Page 20 - MOBILITES MAGAZINE N°51
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 Politiques & institutions
  GÉOGRAPHIE FERROVIAIRE, EXPLOITATION ET LIGNES « CIBLÉES HYDROGÈNE »
 L’étude de l’ADEME - devenue Agence de la Transition Écologique - sur les « Perspec- tives du train à hydrogène en France» pu- bliée en septembre 2020 [voir texte principal] comporte une analyse des lignes ou des sections de lignes susceptibles d’être ex- ploitées par des trains de ce type, une carte schématique du réseau ferré étant présentée à l’appui.
La « zone de pertinence » de ce type de traction est évaluée suivant trois paramètres. D’une part, « la longueur de la ligne », ensuite «le taux d’électrification initial des voies » et enfin « la densité de trafic ». Si le premier paramètre est lié à la capacité d’autonomie des matériels à hydrogène, le second prend théoriquement en compte l’« investissement conséquent [augmenté en cas de besoin d’adaptation des ouvrages d’art] et pertinent sur des portions courtes et denses en trafic [que] représente l’élec- trification ».
Alors que la « solution hydrogène » serait « pertinente économiquement [en raison d’un coût d’investissement plus faible que l’électrification et en dépit d’un coût éner- gétique plus élevé ndlr.] sur des lignes ré- gionales à plus faible trafic et peu ou pas électrifiées ».
Autre atout de l’hydrogène, comme celui de la batterie pourrait-on ajouter, la com- plémentarité avec l’électrification pour le «verdissement» des lignes.
À partir de ces paramètres, l’étude recense 34 lignes ou sections de lignes pour les- quelles l’exploitation par navettes de trains hydrogène serait pertinente sur un total de 52 lignes considérées comme à « verdir ». Une proportion très en faveur de l’hydrogène puisque c’est le but d’une étude dans laquelle la solution batteries qui était alors récemment portée par Bombardier n’est pas abordée.
Le choix de la filière hydrogène sur les lignes ciblées par l’étude induirait un besoin de 250 rames ad-hoc totalisant un inves- tissement complet (1) de 3,4 Mds€. Pour viser un « déploiement massif » de la solution hydrogène d’ici à l’horizon 2030-2035... Une solution qui serait massivement mise en œuvre sur certains groupes de lignes régionales dans les Hauts de France (Arras/ Béthune-Saint-Pol-sur-Ternoise-Étaples, Amiens-Boulogne, Amiens-Reims et Amiens- Compiègne), en Normandie (Paris-Dreux- Granville et Caen-Le Mans), Centre-Val de Loire (Paris-Châteaudun-Vendôme-Tours,
Chartres-Courtalain, Le Mans-Tours, Tours- Chinon et Tours-Loches), en Nouvelle- Aquitaine (Bordeaux-Bergerac-Sarlat, Bordeaux-La Rochelle, Angoulême
-Royan et Poitiers-Limoges-Brive- Périgueux-Coutras) en Auvergne (Lyon-Clermont-Ferrand-Brioude, Clermont-Thiers-Saint-Étienne-Le Puy-en-Velay) et en Occitanie (Tou- louse-Carcassonne-Quillan et Toulouse-Ba- gnères-de-Bigorre, ligne à rouvrir, plus la partie sud de la ligne des Cévennes et le « barreau » La Bastide-Mende-Le Monastier). Sans oublier le complexe des deux axes de la « Ligne des Alpes » (Grenoble-Veynes- Aix-en-Provence-Marseille et Livron-Veynes- Gap-Briançon) situé à la fois en régions Sud-PACA et Auvergne- Rhône-Alpes. Hormis de nombreuses antennes (2) reliées à des axes électrifiés, la plupart des lignes mises en avant sont des sections d’itinéraires en partie électrifiés qui permettent donc d’alterner parcours sous caténaires et par- cours sous hydrogène. Toutefois, le choix entre l’électrification et « l’hydrogénisation » peut souvent ici poser nombreuses ques- tions... de pertinence !
Ainsi, en dépit d’un coût de base plus élevé du côté des infrastructures, l’électrification plutôt que « l’hydrogénisation » d’une courte section reliée à un axe déjà sous tension a l’avantage de pouvoir y faire rouler les ma- tériels roulants électriques du parc existant sans apporter aucun surcoût dans ce do- maine. Comme notamment dans les cas de Laroche-Migennes-Auxerre qui bénéficie de trains vers Paris et vers Dijon et dont le trafic est bien plus dense que celui des lignes du Morvan situées au-delà. Mais aussi d’Amiens-Abbeville-Rang-du Flier qui réaliserait le bouclage électrique de l’axe (Paris) Amiens-Boulogne-Calais et d’An- goulême-Cognac-Saintes-Royan cette der- nière ligne pouvant avec l’électrification bénéficier de liaisons TGV estivales. Et l’élec- trification de Bordeaux-Saintes-La Rochelle- La Roche-sur-Yon, qui bouclerait l’ensemble de la transversale Bordeaux-Nantes aurait aussi des retombées voyageurs et fret. Aussi, que penser de l’idée de faire circuler des rames à hydrogène sur une ligne déjà électrifiée de bout en bout comme Bor- deaux-Le Verdon et qu’il faudrait alors dés- électrifier en raison de la vétusté de ses équipements ? Même question avec l’in- clusion par la région Auvergne-Rhône-Alpes dans la liste des lignes à « hydrogéniser »
de la section Tassin-Lozanne du tram-train de l’Ouest lyonnais dont l’électrification est pourtant prévue en 0,75 kV continu, comme les deux autres branches du réseau. Ce qui obligerait à utiliser des trams-trains bi- modes électriques + hydrogène ( 3) pour cette seule courte section...
Ces retombées aberrantes du point de vue de la géographie comme de l’exploitation, semblent liées au fait de considérer a priori que l’électrification classique est une solution coûteuse. En raison d’une évaluation des investissements qui, outre l’électrification elle-même associe souvent le renouvelle- ment de la voie, des rectifications de courbes et des relèvements de vitesses. Pour aboutir à un coût par kilomètre de 0,5 à 1,5M€ pour une voie unique et de 0,7 à 3 M€ pour une double voie, les variations étant liées notamment aux ouvrages d’art à équiper...
1) Matériels roulants plus infrastructures d’approvisionnement énergétique dédiées et équipements spécialisés d’entretien des rames dans les technicentres.
2) On relève notamment des antennes normandes (Le Havre-Rolleville, Beauté- Beuzeville-Fécamp, Malaunay-Dieppe), franc-comtoises (Besançon-Morteau-
Le Locle, Andelot-Morez-Saint-Claude), alsaciennes (Strasbourg-Wissembourg, Colmar-Neuf-Brisach) et provençales (Nice-Breil).
3) Le 19 juin 2018, lors de son audition par la «commission Simian», Henri Poupart- Lafarge, Président d’Alstom Transport, avait évoqué les possibilités de la réalisation d’un « tram-train électrique + H2 ». Ce qui nécessiterait un surcoût d’acquisition...
 20 - MOBILITÉS MAGAZINE 51 - SEPTEMBRE 2021
 
















































































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