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Ferroviaire / POLITIQUE
des cheminots qui a de toute façon été remis en question avec la réforme de 2018, Riondy alerte sur l’impact qu’un marché morcelé aura sur les évolutions de carrière du personnel. « La majorité du personnel de la Côte d’Azur va être divisée entre la filiale SNCF Sud Azur et Transdev. Là où ça pose problème c’est que les agents qui étaient dans un cursus professionnel, se retrouvent avec un hachement de leur parcours. Qu’ils soient d’un côté ou de l’autre, ils auront des missions complè- tement différentes puisqu’elles devront répondre au nouveau cahier des charges. » Quand on l’interroge sur une évolution positive qu’il envisage avec l’ar- rivée de nouveaux opérateurs, Benoît Riondy répond prudemment : « Certains espèrent le bénéfice d’une organisation de proximité plus importante avec des so- ciétés plus petites. On peut espérer que l’organisation sera meilleure du fait de cette nouvelle taille. »
C’est aussi l’avis de Thierry Mallet qui voit de réels avantages à avoir des sociétés plus petites avec des structures sociales plus souples : « L’apport important de l’ou- verture à la concurrence n’est pas sim- plement celui de la compétence car la SNCF sait très bien faire rouler des trains. Mais on travaille de manière différente et nous sommes bien plus décentralisés. Également, nous jouons à fond la multi
compétence puisque chez nous, les agents n’auront pas une tâche unique mais ils auront plusieurs tâches successives. Quelqu’un peut tout à fait avoir une res- ponsabilité commerciale et une respon- sabilité technique. » Et le directeur général d’ajouter : « Personne n’a l’intention de faire du dumping social »
Le défi technique : les régions sont-elles à la hauteur de la tâche ?
Le transfert de compétences aux régions de l’organisation et du financement des services ferroviaires régionaux de voya- geurs a maintenant plus de vingt ans. Pré- vue par la loi SRU, un des résultats im- médiats de ce transfert a été l’augmen- tation de l’offre et du trafic, respectivement de 10 % et 26 % entre 2002 et 2007. Les régions se sont donc acquittées de leur nouvelle mission et plus de deux décennies ayant passé, elles ont eu le temps de se familiariser avec l’ensemble des éléments techniques nécessaires à la conduite de leur stratégie en termes de transport fer- roviaire. Pourtant, un véritable saut a dû être fait par les régions en termes de compétences quand il s’est agi de ne plus s’adresser qu’à la SNCF mais de préparer des cahiers des charges précis leur per- mettant de mener des appels d’offres co- hérents et complets.
« Il s’agit souvent du premier budget de la Région, en tant que transport du quoti- dien et pour les administrés le moindre changement est très visible. La pression est assez forte et certaines administra- tions dans les Régions ont donc pu trouver confortable d’avoir un opérateur unique. La décision de changer d’opérateur n’est pas simple mais les Régions qui ont une vraie ambition se sont dotées de res- sources en interne et se font aussi ac- compagner » explique Franck Tuffereau,
délégué Général de l’AFRA. Les compé- tences des régions sont aussi reconnues par les opérateurs eux-mêmes, même si des difficultés demeurent, notamment dans l’offre de main d’œuvre. Jean-Yves Lhomme, directeur des affaires institu- tionnelles chez DB Arriva l’admet volon- tiers : « En Hauts de France par exemple, ils sont très bien équipés en compétence mais ils ont aussi du mal à trouver des moyens humains. Le problème est le même pour nous, les opérateurs alternatifs, car jusque-là les compétences étaient presque exclusivement à la SNCF. »
Le défi matériel : quel est l’état de l’infrastructure et du matériel roulant ?
Un défi majeur auquel doivent se confronter les régions dans l’élaboration de leur cahier des charges et leur choix des candidats, est la maintenance de l’infrastructure et du matériel roulant. De plus, il s’agit là de leviers importants pour améliorer la per- formance globale du ferroviaire et de per- mettre aux régions de faire des économies substantielles. « Là où il y a un saut de per- formance à faire c’est sur la maintenance » explique Franck Tuffereau. « Les nouveaux opérateurs en sont conscients et ils n’ont pas envie de se positionner si on ne leur confie pas les rênes de la maintenance. J’en veux pour preuve l’appel d’offres lancé en 2019 pour les TET Nantes-Lyon et Lyon- Bordeaux. Aucun nouvel entrant ne s’est présenté car dans le cahier des charges il était indiqué que le matériel devrait être entretenu dans un atelier SNCF à Nantes. Les nouveaux entrants ont dit que le seul moyen de retrouver un peu de rentabilité était de maîtriser la maintenance mais l’État n’a pas lâché. » Bien heureusement les régions l’ont bien compris et la plupart du temps, la maintenance est comprise dans les allotissements ouverts à la
La rame AGC B 82619/82620 en attente d’un prochain service à Lyon-Perrache
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