Page 48 - AQMAT Magazine Été 2020
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Dossier pandémie
Accélératrice de changements
« Il y a des commerçants qui évaluent encore les fonds à investir dans le commerce en ligne en fonction des ventes qu’ils y font : si je fais 25 % en ligne, je vais investir 25 % de mon budget en numérique. Ce n’est pas un bon réflexe, car ce sont probablement 75 % des achats qui sont influencés par le numérique avant même que le consommateur se rende en magasin. » soutient Carl Boutet, directeur du Centre québécois en innovation en commerce.
un stratège en commerce de détail répond à nos cinq questions
Carl Boutet, stratège en commerce de détail et directeur du Centre québécois d’innovation en commerce, accepte de répondre à nos cinq questions.
Q
R
Quels développements, accélérés par les bouleversements de la pandémie, seraient arrivés de toute façon?
Ma thèse générale est celle de l’accélération de trois à cinq ans de l’utilisation du commerce en ligne. Autrement dit, nous allons atteindre en 2025 ou 2027 ce que l’on prévoyait pour 2030 quelques années avant.
Ensuite, des gros joueurs investissent massivement pour soutenir les développements de ce type de commerce, et pas seulement dans leur plateforme, mais aussi dans la logistique et les centres de distribution. La crise ne fait que propulser les actions des géants qui avaient déjà prévu le coût – et les coûts. Les plus petits, habitués à suivre, vont probablement se faire larguer.
Q est-ce que la crise obligera les marchands à revoir en permanence leur façon d’offrir les produits et de servir la clientèle?
R Chez les quincailleries, il y aura une différence encore plus nette entre le client professionnel et le consommateur.
Le parcours du particulier va être de plus en plus influencé par le numérique: le modèle du commerce de détail, en vogue depuis 60 ans, et axé sur la distribution, dans un local bien éclairé avec des belles tablettes, c’est terminé.
Le besoin d’espace va demeurer, mais c’est ce à quoi servira cet espace qui va changer.
Est-ce encore pertinent pour les centres de rénovation d’avoir d’aussi grandes surfaces avec autant de produits en stock et disponible sur des tablettes?
La façon de s’approprier les produits va changer.
La quincaillerie est l’exemple parfait où il y aura de plus en plus d’assistance virtuelle pour accompagner les gens avec tout ce que l’on peut faire pour rendre les expériences plus faciles, poser une tablette ou des carreaux, par exemple, et agréables.
Il faut investir dans l’expérience en ligne; comment présenter les produits, créer du contenu pertinent, provoquer l’engagement avec une communauté pour agrandir son rayonnement et son influence. tout cela va bien au-delà de la transaction. Lorsqu’un client vous dit qu’il a vu votre produit sur Facebook, un site non transactionnel, c’est signe que votre portée s’agrandit.
Je me base sur le saut actuel de 15% à 25% des achats dans la consommation en ligne. Bien sûr, il y aura une baisse certaine avec tous les commerces rouverts et selon les modalités habituelles, mais bien des gens qui ont pris goût à l’achat en ligne vont continuer à s’y adonner.
48 été 2020 AQMAT MAgAzine