Page 45 - AQMAT Magazine Automne 2022
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 Nous et les Autochtones
 Autochtones, d’exploiter le territoire où vivent les Autochtones et des conséquences importantes sur les forêts, l’eau, les caribous, etc. Il y a là un racisme, pas très explicite, mais très présent et qui explique les choses. Le racisme, l’exploitation du territoire... ça, le Québec dans son histoire a de la difficulté à le reconnaitre. C’est comme si les problèmes avec les Autochtones, ça relève du fédéral. Les pensionnats, c’est fédéral! Non, c’est plein de prêtres catholiques québécois qui ont traversé le Canada pour faire des pensionnats, pour soutenir le système d’assimilation. C’est dur de discuter de ça au Québec, parce que la société québécoise n’aime pas se faire pointer des failles, des travers.»
Des relations gagnantes-gagnantes à tous les niveaux
Philippe Lebel côtoie la communauté autochtone de Wemotaci depuis plus de 40 ans. Il est un témoin privilégié de l’évolution des relations entre Blancs et Premières Nations. « Les gouvernements essaient de faire beaucoup de choses depuis des années et ça ne fonctionne jamais. Je pense que si on pouvait tous s’associer avec les Premières Nations et bâtir des entreprises ensemble ça sorti- rait beaucoup de monde de la misère. Beaucoup plus de richesse, beaucoup plus d’emplois seraient ainsi créés. Tout le monde crie qu’on manque de personnel; je suis le premier à dénoncer que j’en manque. C’est le temps qu’on commence à les former et à les employer. Les communautés autochtones souhaitent former leur main-d’œuvre et nous on veut l’engager. Quand on prend le temps de les former comme il faut, on ne craint pas de les engager parce qu’ils sont travaillants et ils sont bons. Il faut seulement être patient, prendre le temps et leur faire confiance. »
Même son de cloche à la quincaillerie RONA de Kitigan Zibi, près de Maniwaki. «Je sais, affirme Éric Deslonchamps, que les gens de la communauté vont être de bons clients chez nous. C’est sûr et certain que je vais favoriser l’embauche de gens venant de la communauté, mais à condition qu’ils aient la compétence pour servir la clientèle. En ce moment, 50 % du personnel est issu de la com- munauté. Quand on ouvre un poste, on l’ouvre aux gens de Maniwaki et de la communauté.»
Dylan Whiteduck, le chef de bande de la communauté de Kitigan Zibi estime que l’entente avec la quincaillerie RONA «va permettre de créer de l’emploi dans la région et de générer des revenus pour la communauté. Je vais être franc avec vous, ç’a été une relation intéressante jusqu’à maintenant. La bannière RONA est une bannière forte et nous sommes très heureux d’avoir et RONA et Éric Deslonchamps pour opérer le commerce ici et j’espère que cette relation va continuer pour les années à venir. »
Entrevoir l’avenir des relations entre Blancs et Autochtones dans une perspective d’entreprises conjointes et de relations économiques entre partenaires égaux est rafraichissant et porteur d’espoir. Mais c’est une perspective partielle et fragile qui demeure à la merci d’une crise politique éventuelle.
«Les préjugés sont comme en réserve de la “défense de la répu- blique”, avertit le professeur Trudel. Par exemple, au moment de la crise d’Oka, au début des années 90, j’enseignais à l’université à cette époque et je voyais comment les relations entre Autochtones et Blancs s’amélioraient et devenaient plus faciles. On sentait que les préjugés reculaient... mais une fois qu’un conflit politique, comme la crise d’Oka, a éclaté, les préjugés sont revenus. Ils étaient
en réserve. Donc, il y a des événements politiques parfois qui peuvent favoriser le retour de ces préjugés; des préjugés qui quelques fois se maquillent et prennent une autre forme, mais qui sont fondés sur les mêmes réalités, à savoir que les Autochtones sont de monstrueux citoyens. Ça peut revenir vite parfois les préjugés dans des événements particuliers ou il y a des conflits et des enjeux, un rapport de force. Il faut faire attention pour ne pas rechuter dans les mêmes préjugés. »
Le leadership et l’ambition des nouvelles générations
«On peut être optimiste parce qu’il y a une nouvelle génération qui est consciente et qui veut développer des choses, pour repartir à neuf, conclut Nicolas Renaud. Les jeunes Autochtones sont beau- coup moins dans la passivité, dans la résignation. Il y a une nouvelle génération qui n’est pas allée dans les pensionnats, qui sont allés à l’école, qui sont bilingues, trilingues et qui ont étudié en droit, en affaires, en services sociaux. Cette nouvelle génération d’Au- tochtones est consciente de vouloir reconnecter avec des éléments de leur culture et de leur communauté et de changer les rapports avec le reste de la société. Les Autochtones ne peuvent pas vivre isolés du reste du monde. »
Adam Jourdain, directeur général adjoint au Conseil des Atikamekw de Wemotaci, incarne parfaitement cette nouvelle génération aux commandes d’une communauté ambitieuse, ouverte sur le monde. « On désire faire d’autres acquisitions au cours de la prochaine année, dans d’autres domaines que la quincaillerie. Il faut comprendre que la réalité à Wemotaci est différente. Pour chaque dollar dépensé, 95 cents sortent définitivement de la communauté alors que seule- ment 5 cents restent ici. On s’est rendu compte que cela ne crée pas une économie locale forte. Dans les 95 cents, les gens achètent plusieurs choses, des automobiles, des véhicules tout-terrain, des matériaux de construction, des vêtements. Donc on regarde pour faire des investissements dans ce que les gens achètent pour pou- voir compter sur un certain retour dans la communauté et créer une économie circulaire, une économie plus forte. C’est pour ça qu’on dit qu’on est ambitieux. On est une communauté qui va au-delà de ce qui a été fait auparavant. On souhaite faire des investissements dans la communauté, mais aussi hors communauté. »
Suite de l’article en page 46 >
 Dylan Whiteduck, chef de bande
de la communauté de Kitigan Zibi
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