Page 196 - LETTRES AMICALES ET AMOUREUSES
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A UNE AMIE


                                 Ne lis pas ce que je t'écris, si tu ne veux pas lire
                                les écrits de mon cœur, les feux de mon martyre :
                                  Non, ne les lis pas, mais regarde vers le Ciel,
                               voit comme ils ont joint leurs larmes à mes larmes,
                           écoute comment les vents pour moi m'arment de patience,
                                et à cette lettre, ne la refuse point à tes jolis yeux.
                                       Amour dont l'ardeur incessant me tue,
                                    et que ma triste voix n'est plus entendue :
                                 Amitié ou Amour perdu est la cause de ma folie .
                                   Tu accuses mon feu, mais tu en es l'amorce .
                      Tu m'accuses de faux-cul, alors que je n'ai de cesse de te glorifier .
                                    Tu te plains de moi, et de toi je me plains,
                            tu accuses ma parole, mais c'est le cœur qui commande,
                             l'amour plus grand au cœur, et toi encore plus grande,
                              commande à l'amour, et à mon cœur et mes mains .
                             Mon péché fut la cause , et non pas de l'entreprendre;
                              Vaincu, j'ai voulu vaincre, et pris j'ai voulu prendre.
                                       Telle fut ma fureur de t'avoir déçue :
                                 Je mis la main au feu qui faillit à notre entente,

                                 brave en ton désespoir, et plus brave en ta rage,
                             brûlant bien plus mon cœur qu'il ne brûlait ma main.
                                    Mon cœur a trop voulu, superbe Madone,
                                  ma bouche d'un baiser à la tienne s'est prise,
                                     ma main a bien osé toucher à ton sein .
                           Pourquoi après avoir laissé ce grand cœur entreprendre,
                           alors que ma bouche voulait l'âme et à ta bouche rendre ?
                                 Ma main séchait mon cœur au lieu de ton sein.
                                  Mon âme a son secret, ma vie a son mystère,
                                     un amour éternel en un moment conçu :
                                   Le mal est sans espoir, aussi j'ai dû le taire,
                                     et celle qui l'a fait n'en a jamais rien su.
                                   Hélas! j'aurai passé auprès d'elle inaperçu,
                              toujours à ses côtés par l'image, et pourtant solitaire.
                              Et j'aurai jusqu'au bout fait mon temps sur la terre,
                             n'osant rien lui demander et pourtant avoir trop reçu.
                               Pour elle, quoique Dieu l'ait faite douce et tendre,
                                  elle suit son chemin, distraite et sans entendre
                               ce murmure d'amour et d'amitié élevé sur ses pas.


                                             Alexandre Alé   08/01/2018
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