Page 38 - Hunzinger - Press - Un chien à ma table
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Le 12/09/2022
vous arrivent pour la première fois, tout à la fin, c’est incroyable. Et pour la dernière
fois aussi. »
Et l’enfant en nous reste éberlué face à l’usure du temps qui nous laisse si fragiles.
« Nous l’étions tous les deux. C’était flagrant. D’étranges vieillards abritant un enfant.
Des vioques. J’aime beaucoup ce mot, vioque, il dit l’effarement insoluble de l’enfant
qu’on est resté. »
Pourtant, si les années filent, le désir est toujours là, qui nous sort du lit le matin,
désir infini de l’extérieur immense, désir également de soi. La vieillesse ? « Sicut
palea. On s’en fout » !
L’écri-vaine ?
La force de Sophie – celle de l’auteure – est de pouvoir mettre en mots observations
et sentiments, l’écriture remodèle une force perdue. La vie entretient avec les
livres, comme avec la nature, des rapports essentiels ; les lectures enrichissent,
transforment, l’écriture libère. Claudie Hunzinger, à l’instar de sa narratrice, est
une écrivaine des marges, de ce monde animal et végétal autour d’elle qu’elle
ressent avec une extraordinaire acuité, ce monde qui est son refuge.
« Je suis sûre d’être née comme ça. Je suis sûre d’être née avec le désir à jamais de
rejoindre la densité brute et brûlante, épaisse et délicate, légère et taciturne, toute
dans l’émotion de vivre, dans la sensation de survivre, d’être-là, dans ce qui exulte ou
qui tremble, qui m’entoure sans la moindre altérité. Oui, mais comment décrire le
brusque froissement d’ailes de l’oiseau qui s’envole parce qu’il m’a vue et que je porte
en moi, d’être humaine, l’effroi ? Moi, d’un coup déchirée en deux, fuyant et
regardant. »
Contrairement à son compagnon qui se plaît à l’appeler « écri-vaine », Sophie
trouve du sens à son activité, elle déteste qu’il lui rappelle « qu’on lisait de moins en
moins, plus aucun enfant ne lisait, tous sur leur smartphone, et que les livres avaient
donc perdu leur aura. Les écrivains étaient devenus des écri-vains et des écri-vaines.
Une sous-catégorie divisée en deux. » Pour elle, l’écrivain n’a pas peur de regarder