Page 18 - Le jardin des vertueux (Riyâd As-Sâlihîn)
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Riyad as-Salihin


                    n’était sorti avec les musulmans qu’à la recherche de la caravane (commerciale) de Qoreysh jusqu’à ce que Dieu exalté
               les mît face à face avec leur ennemi, sans rendez-vous préalable. J’ai effectivement été témoin avec le Messager de Dieu

                    de la nuit de ‘Aqaba où nous avions signé notre pacte sur la base de l’Islam. Or je ne donnerai pas un tel honneur en
               échange de ma participation à la bataille de Badr, bien que les gens la mentionnent plus souvent que l’alliance d’Al ‘Aqaba en
               question.
               Pour ce qui est de ma défection de l’expédition de Tabuk, je n’ai jamais été plus fort, ni plus riche que lorsque j’y fis défaut.
               Par Dieu, je n’ai jamais possédé avant elle deux montures à la fois. Le Messager de Dieu    n’entreprenait jamis une
               expédition sans faire semblant de se diriger vers une autre (pour tromper les espions de l’ennemi) ; jusqu’à ce que vînt le tour
               de cette expédition qu’il fit dans une période de très grandes chaleurs. Il se mit donc en route pour un long voyage (les
               confins de la Palestine) dans un immense pays désertique et aride. Il devait en outre rencontrer un ennemi très nombreux.
               Aussi dit-il cette fois aux Musulmans leur vraie destination afin qu’ils prennent leurs dispositions en conséquence. Les
               musulmans étaient nombreux avec lui, mais aucun registre ne les mentionnait. Ka’b a dit : «  Si bien que celui qui voulait
               déserter était presque sûr de  passer inaperçu, à moins que Dieu ne fasse une révélation coranique à son sujet. Donc le
               Messager de Dieu    entreprit cette expédition à un moment où les fruits étaient mûrs et où l’ombre était bien désirable.

               Or j’étais l’homme le plus désireux de jouir de ces fruits et de cette ombre. Le Messager de Dieu     s’était équipé de
               même que les Musulmans avec lui. Quant à moi, je sortais tous les matins pour m’équiper mais je rentrais sans en avoir rien
               fait, me disant, à chaque fois,  que je pourrais  le faire à l’heure que je  voulais. Cette situation dura jusqu’à ce que les
               musulmans eussent redoublé d’efforts dans leurs préparatifs et, le lendemain matin, ils prirent le chemin de la guerre avec le

               Messager de Dieu    . Je n’avais pourtant rien préparé pour être des leurs. Je rentrai donc chez moi, cette fois encore,
               sans avoir rien fait. Si bien qu’ils prirent sur moi une trop grande avance. A un moment donné, pourtant, j’ai voulu partir à
               leurs traces (et combien j’aurais voulu l’avoir fait !) mais Dieu ne me prédestinait pas à cet honneur. Chaque fois que je me
               mêlais aux gens après le  départ du Messager de Dieu     je ne me voyais semblable qu’à quelqu’un sur qui pesait
               lourdement une ombre d’hypocrisie ou à l’un de ces faibles que Dieu avait exemptés pour cause de maladie. Le Messager de
               Dieu     ne cita pourtant pas mon nom jusqu’à son arrivée à Tabuk. Cependant qu’il était assis avec un nombre de gens, il
               dit par la suite : « Qu’a donc fait Ka’b Ibn Malek ? ». Quelqu’un des Banni Salam dit : « O Messager de Dieu ! Il a été sans
               doute retenu à Médine par la beauté de ses habits et par sa vanité ». Mou’adh Ibn Jabal (RA) lui dit alors : « Quelles bien
               vilaines paroles tu viens de proférer ! O Messager de Dieu ! Nous n’avons jamais entendu dire à son sujet que du bien ». Le
               Messager de Dieu    ne dit rien. Sur ces entrefaites apparut à l’horizon un homme vêtu de blanc s’avançant dans le
               mirage. Le Messager de Dieu    dit : « Sois Abou Khaythama ! », et ce fut effectivement Abou Khaythama l’Ansarite.
               C’était lui qui avait fait jadis aumône de quelques poignées de dattes, ce qui lui valut les sobriquets des hypocrites. Ka’b dit :
               « Lorsque j’appris que le Messager de Dieu    avait pris le chemin de retour de TAbuk, je fus envahi d’une grande
               tristesse. Je me mis à penser à quelque mensonge pour me disculper en me disant en moi-même : «  Quelle excuse va bien
               me sortir de sa colère ? » Je rpis conseil en cela auprès des gens de ma famille. Quand on m’a appris que le Messager de Dieu

                     était désormais tout proche, toutes mauvaises inspirations disparurent de mon esprit et je sus ainsi que rien ne pouvait
               me sauver de sa colère. Aussi ai-je décidé de choisir plutôt la voie de la sincérité. Le lendemain matin il était de retour. Or,
               lorsqu’il rentrait d’un voyage, il réservait toujours sa première visite à la mosquée. Il y fit deux unités de prières puis s’assit
               pour accueillir les gens.  C’est alors que vinrent à lui ceux qui ne l’avaient pas suivi,lui présentant leurs excuses avec force
               serments. Ils étaient un peu plus de quatre-vingts. Il accepta leur éta apparent, agréa leur allégeance et implora pour eux
               l’absolution divine tout en laissant à Dieu le Très-Haut le soin de juger ce qu’ils cachaient en eux-mêmes.
               C’est alors que je vins moi-même. Quand je le saluai, il sourit de la façon de quelqu’un en colère puis me dit : « Viens ici ! ».
               Je m’avançai et je m’assis devant lui. Il dit : « Qu’est-ce donc qui t’a empêché de te joindre à nous ? N’avais-tu pas déjà
               acheté ta monture ? » Je dis :  « O Messager de Dieu ! Si je me trouvais maintenant devant un autre que toi de tous les
               habitants de ce monde, j’aurais certainement jugé que je m’en sortirais par quelque excuse, d’autant plus que j’ai le don de la
               polémique. Mais, par Dieu, j’ai bien su que si je te racontais aujourd’hui quelque mensonge pour te satisfaire, Dieu ne serait
               pas loin de me frapper de Sa Colère et, si je te disais la pure vérité qui pourrait te fâcher quelque peu contre moi, je pourrais
               espérer une conclusion heureuse de la part de Dieu Tout-Puissant. Par Dieu, je n’avais aucune excuse de rester à l’arrière.
               Par Dieu, je n’avais jamais été aussi fort ni aussi riche que lorsque je t’ai fait détection ».

               Le Messager de Dieu    dit alors :  « Voilà quelqu’un qui a parlé sincérement. Debout et va-t-en de là en attendant que
               Dieu prononce sur toi Son jugement ! ». Des homes de la tribu des Bani Salama sortirent à ma suite et me dirent : « Par Dieu,
               nous n’avons jamais appris sur  toi que tu avais commis  un péché avant celui-là. Tu aurais bien pu t’excuser auprès du

               Messager de Dieu     comme se sont excusés les autres déserteurs. Il t’aurait largement suffi auprès de Dieu que Son
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