Page 5 - Le grimoire de Catherine

MONSIEUR MENIER ENQUETE

Bouche bée, elle fixe le grand orgue accroché sous la rosace : l’un des tuyaux a bel et
bien disparu . Elle n’a beau avoir que dix ans, elle voit bien qu’il manque. Il faut dire
qu’elle a pris l’habitude depuis qu’elle se rend à l’école seule, d’entrer dans l’église
pour y admirer ses vitraux et de le côtoyer. Superbe, puissant, elle le savait capable de
libérer les notes de Bach ou de Rameau dans les grandes occasions. Il avait le
pouvoir d’accompagner les émotions de chacun. Et voilà que, tel un grand oiseau
blessé, il était maintenant amputé.
Comme le nouvel organiste allait être triste ! Lui qui, passait ses nuits à fouiller dans les
vieux grimoires de la bibliothèque dans l’espoir d’y découvrir un jour, une partition
inédite qu’il pourrait jouer aux habitants lui permettant ainsi d’assouvir sa passion
musicale.

L’orgue était muet, il fallait trouver une solution pour qu’il continue à célébrer la joie et
à apaiser les souffrances de chacun.

Rechercher seule le tuyau manquant, lui parut un pari fou aussi décida t-elle d’aller
demander de l’aide à son vieux compère, Monsieur Meunier.

Celui-ci l’accueillit comme à l’accoutumée avec une grande bienveillance et montra tout
de suite beaucoup d’intérêt à son récit. Elle lui faisait confiance depuis toujours à ce
colosse moustachu qui portait bien son nom Meunier. Elle ignorait quel métier il avait
exercé mais, avec un patronyme pareil, on ne pouvait que travailler pour le bien-être
des autres. Elle savait aussi qu’il avait appartenu à la fanfare du village quand il avait
encore suffisamment de souffle pour jouer de la trompette. Un musicien ne peut pas
être un mauvais bougre et ça doit aimer les instruments de tout genre.

Elle ne s’était pas trompée, tels deux complices, ils décidèrent de monter dans le
grenier pour élaborer ensemble un plan de recherche .Elle aimait ce lieu car c’était-là,
qu’il l’emmenait lorsqu’elle avait du chagrin et qu’il lui ouvrait de vieilles malles remplies
de trésors. Elle pouvait alors y découvrir de vieux livres à tranche dorée et des dentelles
fanées. Les larmes étaient alors très vite séchées.

Ce jour-là était particulièrement grave, il allait falloir établir une tactique. Faire la liste
des questions à poser, choisir qui interviewer, ne pas se faire suivre et obtenir le plus
rapidement possible des résultats.
Etablir de telles règles avec une petite fille n’était pas évident aussi Monsieur Meunier
eut une idée.

« Je sais que tu aimes jouer aux échecs avec moi et que tu fais montre d’une certaine
tactique pendant nos parties si souvent partagées, alors nous pourrions appliquer ces
règles pour résoudre l’énigme de la disparition du fameux tuyau. »
Nous allons procéder en tenant compte des caractéristiques de toutes les pièces de
ce jeu qui porte bien son nom, jeu de stratégie. Nous commencerons par interroger
les habitants de notre village si sages, si tranquilles apparemment, réunis tels des
pions en conciliabule. Les chevaux qui forment la frise de notre église ne sont pas