Page 7 - Le grimoire de Catherine
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complice, il allait falloir  faire   preuve l’ingéniosité pour  demander à ces habitants  ce
              qu’ils auraient pu faire d’un tuyau d’orgue. On n’entre pas impunément dans  le  monde
              de l’imaginaire, ça se mérite. L’ordinaire pourrait  leur paraitre  vulgaire, eux qui sont
              habitués à côtoyer l’extraordinaire.
              Heureusement  pour  eux,  ils  avaient  lu  ensemble,  dans  le  grenier,  les  aventures
              d’Alice au pays des merveilles, depuis lors ils étaient membres du parti « des initiés ».

              Plusieurs maisonnettes se pelotonnaient  les unes contre l’autre formant ainsi une sorte
              de  hameau,  vaisseau    fantôme,  hors  de  portée  du  tout    venant…Deux  d’entre  elles
              étaient  particulièrement    attirantes  et  pimpantes.  Elles    arboraient    fièrement    leur
              enseigne,  l’une  avait  la  forme  d’un  éventail,  l’autre  celle  d’un  splendide    bouquet  de
              fleurs.  Quel  bricoleur    aurait  pu   avoir  besoin  d’un  morceau    de  métal  pour  fabriquer
              quelque objet inattendu ? Dans ce lieu impossible  tout pouvait être possible !

              Comme ils  s’approchaient  discrètement  de la première, un homme  surgit.

              « -Otez-moi  ces  bottes, ne voyez vous pas  que vous allez renverser tous mes pots de
              peinture,  petite  étourdie !   Veuillez  m’excuser  de  vous    accueillir  ainsi,  dans    notre
              village,  nous avons pour règle d’or d’être indifférent à l’art de la dispute mais je viens
              de vous voir le nez  en l’air, un accident  est si vite arrivé. Que cherchez-vous ? »

              Il fut  vite rassuré en apprenant qu’il n’était pas face à deux vagabonds en quête d’un
              mauvais coup et pour se faire pardonner il  les invita  à venir  visiter  son atelier car il
              était  peintre sur éventail.
              Heureux de pouvoir partager sa passion, il leur expliqua que la couleur était  son seul
              maître. Afin d’approcher de la perfection, il avait pour cela  un complice, un caméléon
              qu’il avait adopté. Ce dernier  ne manque jamais d’idées pour  jouer avec les nuances.

              Il n’utilisait jamais  le noir, peindre  des  nuages reviendrait  à  cacher  le soleil. De plus,
              il ne vivait que dans  ses rêves et surtout pas  dans ceux des autres. C’est ainsi qu’il
              était un homme heureux ! Il ne pouvait être un voleur de tuyau d’orgue, qu’en aurait-il
              fait ? Avec tous  les éventails qu’il décorait, il avait de quoi  jouer avec le vent  et n’était
              pas concerné par cet orgue devenu  silencieux.

              Notre éventailliste flatté d’avoir  rencontré un  auditoire si intéressé  était de très bonne
              humeur    et  n’avait  pas  envie  de  retourner  à  sa  solitude,  aussi    proposa-t-il  à  ses
              visiteurs  de  leur  présenter  son  voisin  .Ce  dernier,  possédait  une    boutique  à  la
              devanture  alléchante  non    par  ses  pâtisseries  mais    grâce  à    ses  pyramides  florales
              dignes d’attirer  tous les oiseaux de paradis de la planète.
              Malheureusement  personne  ne le visitait car, il était, pour  ceux qui pensent comme il
              faut, l’homme  qui parlait aux  fleurs ! Aussi  avait-il pris  l’habitude de vivre sa passion
              en  se  maintenant      à  l’écart    des  moqueries.  Monsieur    Meunier  le  rassura,  lui
              expliquant l’objet des recherches  en cours. Là, non plus, pas de tuyau en vue mais,
              tous les quatre  se  sentaient  bien ensemble et notre fleuriste se décida  à leur raconter
              sa vie.
              Il connaissait bien la fameuse rosace  de l’église, d’ailleurs c’était grâce à elle qu’il avait
              commencé à regarder les  fleurs sculptées dans la pierre, également celles enchâssées
              dans  les  vitraux.  C’est    ainsi    qu’il  était  devenu  amateur  de    fleurs,  qu’il  les  avait


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