Page 71 - Le grimoire de Catherine
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Si Bacchus m’avait bien fait rire, Hermès m’écrasait de toutes ses certitudes. Je sentis
le besoin d’entendre les questions des hommes et décidai alors d’entrer dans le jeu
des idées en assistant aux spectacles qui étaient offerts régulièrement dans ce lieu.
Il est connu que lorsque l’on est mal sur un échiquier, ne pouvant en modifier les
règles, la seule solution est d’en changer. Le moment était venu. Me voilà donc,
cachée sous les gradins, toute frémissante, observatrice des jeux des Humains et de
leurs préoccupations.
Tandis que la foule se répartissait sur la cavea, les degrés circulaires, que les
dignitaires s’asseyaient au centre dans leur espace réservé, l’orchestra, je respirais
l’odeur de safran annonciatrice de la fête.
Les musiciens s’installaient, qui avec son luth, qui avec sa cithare ou encore avec sa
cornemuse.
Se succédaient alors, devant moi, des spectacles de farce, de mime et de pantomime.
L’imagination s’y montrait sans borne, les acteurs portaient des masques se
transformant en animaux fabuleux voire même monstrueux. Plus tard, dans une autre
période de ma longue vie, je m’en souvins face aux personnages dans la commedia
dell’arte.
D’autres pièces aux thèmes tragiques, y étaient représentées. La mise en scène
somptueuse, extravagante, faisait vibrer tout ce théâtre dans son cadre naturel de
pierres et de verdure.
Les textes de Plaute les faisaient rire « On préfère un compliment menteur à une
critique sincère» ou les mettaient en garde « L’homme est un loup pour l’homme ».
Je jubilai, j’avais bien fait de changer de jeu, de mettre de la distance avec celle que je
fuyais dénommée Habitude. J’en voulais encore et encore !
J’avoue avoir eu un faible pour ce qu’avait écrit Térence. Jugez-en par vous-même
« Autant d’hommes, autant d’opinions » Quelle leçon de sagesse pour un peuple
conquérant qui n’en fut pas moins bâtisseur !Il n’était toutefois pas naïf et rappelait
par exemple qu ‘ « il n’est pas de curieux qui ne soit malveillant ».
J’étais gorgée de poésie, de sagesse comme la figue l’est du miel de l’été.
Malgré les siècles écoulés j’aime encore y séjourner, suivre toutes les festivités.
Sachez que je suis toujours là. Je me fais discrète, je prends des formes différentes.
Actuellement je suis dans la tête d’un petit garçon qui pense bientôt dessiner une
baleine dans un aquarium.
Comme vous avez pris la peine de me lire jusqu’au bout je vais vous révéler qui je
suis. Je suis l’Idée, celle qui permet de se construire un « je » et de participer au grand
jeu de la vie. Je ne crains qu’une chose, c’est d’être emprisonnée, la chasse aux idées
est toujours ouverte. Je ne voudrai pas non plus devenir une idée fixe.
J’ai un secret pour y échapper je me transforme en papillon et tout la- haut la place est
libre !
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