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TEL QU’ON EST…
Tout ça c’t'y du sens ? Je vous l’demande. Bon sang bois. La
Marie est partie en goguette avec la Martine. A la pouilleuse !
A la gueuse ! J’ai plus de bergère, à c’te heure. Faut-il du sans-
gêne ? Faut-il cent sous de plus dans son escarcelle pour
qu’elle reste la ribaude ? Quel mariage à trente ans, je vous
jure. A peine consommée que la v'là déjà courir dans les
champs d’été à retrousser les gousses. J’ai l’air finaud, je vous
dis.
Je suis décent à ne point faire du raffut et rameuter toute la
famille. Vrai, j’ai la dot et point de scandale. Et je rage tout de
même et puis ne peut être absent avec excuses, à mes
journaliers payés à l’heure mais aussi au un pourcent au-delà
du quintal ramassé, la rumeur s’est confirmée que si je cours
ma mie, suis un mauvais parti et un mal dégrossi.
Je vais rester sagement à me ronger les sangs et qu’elle
revienne, la rosse. Je ne prendrais pas mon nerf de bœuf
comme le père Gouffier. Non, non. Il est récent qu’il ait corrigé
sa moitié aux fesses qu’elle n’avait pu s’asseoir d’ici quinzaine,
la garce ! Mais suis point un violent. Faut-il de la main d’œuvre
travailleuse et soumise au mieux. Et rien ne sert de tabasser la
chair si l’esprit est ailleurs mais une bonne raclée à la ceinture
devrait la ramener à la réalité.
Tiens, v'là t’y pas le jeune branleur de vingt piges qui m’épie
de sa chariote.
— Qu’est-ce t’as à me z'yeuter le gringalet ?
— Vous êtes bien mis à ce que je vois !
— Quelle outrecuidance jeune blanc-bec…
— Suis bien à votre aise de vous voir en ce chaud moment en
torse nu et poilu.
— Mais vas-tu te taire bougre d’âne…
— Qu’est-ce à faire ? On n’est'y pas seuls ?
— Qu’importe, je ne veux pas me faire importuner le nœud par
toi vil coquin.
— Tu disais pas ça lors de la foire avec le doux débranché
Paulo ?
— L’efféminé ?
— Tout juste…
— C’est du racontar…