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COMMENT JE SUIS DEVENU UN HOMME… INVISIBLE
PARMI TANT D’AUTRES.
Je viens pour la première fois au bord de ce lac. Il est cinq
heures. La Lune est haute. Quel calme.
Le lion qui est en moi est redevenu doux presque nonchalant.
Mon regard scrute toutes les ombres qui se détachent et
viennent vers moi lentement et j’en ressens les mouvements,
des « trous d’air » d’avion. Étrange sensation d’un spectacle…
ombrageux qui se déplace comme des marionnettes.
Elles m’entourent… complètement… sur plusieurs étages dont
le sommet est l’éclairage de la Lune. Je suis comme dans un
puits. Je suis fasciné et je m’assois à demi-fesse sur un rocher.
Position d’alerte et d’inconfort. Les ombres ne me semblent
pas menaçantes. Le ciel est leur ciel. Je suis un étranger. Une
pelure d’humain sans doute.
— Que viens-tu faire ici, humain ? Une voix d’ombre, rustique
en écho m’interpelle qui fait trembler mes esgourdes.
— J’ai un corps à faire disparaître au plus tôt et la jungle n’est
pas à côté…
— Tu as l’humour végétal, c’est curieux pour un humain…
— Euh…
— Ne moelle pas ici… ne prends pas racine…
— Je pensais que vous pouviez m’aider… je viens de la part
d’une amie… à vous…
— On n’a pas d’amie, l’humain… et qu’est-ce que tu donnes en
échanges…
— Euh… rien… pourquoi ?
— Ce n’est pas dans nos conventions habituelles… un service
en appel un autre. Vous appelez ça : « le retour d’ascenseur ».
— En fait, je pensais que vous aviez un arrangement avec mon,
enfin votre amie… et que je pouvais compter sur vous…
— Tu vas porter le corps sur le semblant de plage, face à toi, à
cinquante mètres… dit la même voix.
Et d’un seul tenant toutes les ombres se dispersent.
Je sors du coffre de ma break le cadavre, le porte à l’épaule et
lentement je me dirige vers cette plage. La Lune est
magnifique. Il n’y a pas de tragique, de bonheur, seulement la
survie. Et je suis en train de survivre. J’ai tué mon maître