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CONTRAT RECHERCHÉ…
Pour la deuxième fois je prends le canal. J’ai peur. Oui, cette
peur animale qui ressort sur la peau et qui intoxique. Il est
dimanche matin. J’ai embarqué hier au soir, à la nuit, sur mon
voilier monocoque un 10 mètre « 360 grand large ».
Je n’ai pas à être déférent sur la ligne de la vie, je suis à ma
ligne de flottaison fidèle avec cette peur de me décevoir, avec
cette peur de me saborder pour un mot, une attitude de
travers. Je voudrais me cogner la tête contre les contreforts de
ma bêtise pour la faire éclater.
Je navigue en mode manuel c’est d’autant plus prudent que par
moments je coupe le moteur et laisser glisser sur l’onde
fraîche, à la brume éparse, aux premiers clapotis de vies, à la
levée de l’haleine du jour avec ses fumets entre végétaux bien
pourris et jeunes pousses en devenir…
Mon opération de ce jour est de récupérer mon âme vendue il
y a trois semaines à un vagabond en amont du canal. Je l’ai
vendue bêtement, stupidement, sottement, mais surtout
naïvement.
En fait, j’ai eu une avarie sur mon voilier tout neuf acheté cash
suite à des ventes de laitues hors commerces mais pour des
gros groupes qui nourrissent des fermes de limaces qui sont
transformées pour des produits de consommations externes…
Bref, mon bateau prenait l’eau, moi avec, mais ce jour-là pas
de bol, j’étais resté prisonnier à l’intérieur par des effets de la
malchance… sans doute… quoi qu’il en soit, si j’ai entendu
quelque part « mon royaume pour un cheval », je voulais
« mon âme pour ma vie », ce qui était vraiment, mais vraiment
déraisonnable.
A l’expression de ce vœu, j’avais de l’eau jusqu’au cou, le
sourire de la Mort en porte-manteau devant moi, et à ma
gauche apparue un vagabond en hologramme 3D avec effets
sur liquide environnant. J’avais le respect de circonstance et la
première douleur de la cage thoracique d’un cœur qui voulait
faire ses valises…