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DÉTERMINATION…TRANCHÉE
Il y a du vertige comme de la migraine, tout est question
d’oxygénation du cerveau. Il parait. Et selon mon entourage
j’ai un petit cerveau et la nitescence de mon intelligence n’est
jamais venue me prouver le contraire. Qu’importe.
Aujourd’hui, je pars en voyage. Pas d’affaires. En vacances…
prolongés. Je suis sur le quai et j’attends que le train vienne se
présenter. Ce n’est pas aujourd’hui que je vais éclore. Non,
non ! Et pourtant je suis en germination.
En vérité, je viens de quitter mon mari. Un ignorant. J’ai aimé
pendant vingt-trois ans trois mois et maintenant six jours et…
quatre heures, aussi un naïf. Et cela me rappelle Paul Guth
« Mémoires d’un naïf ». Rien à voir.
En partant ce matin, il ressemblait à un saule-pleureur. J’ai cru
ne jamais partir. Je me suis ressaisie, et j’ai fermé la porte et
j’ai vu sur le palier poindre la liberté et ce poids à l’estomac se
réduire. Je commençais à me remplir de positif. Cela ne
s’explique pas, ça se vit.
J’ai marché lentement. Chaque rue est un souvenir. Chaque
magasin aussi. C’est pour moi un moment de libération mais
aussi d’un mal au cœur indéfinissable. Tout cela se mélange
comme une mauvaise absinthe. Je respire lentement. Mes
talons claquent et j’ai soif. De l’émotion, oui. Je frissonne un
bref instant. Et puis, je souris.
Et la gare qui était devant moi. J’avais pris ma décision de
partir depuis trop longtemps pour l’ensorceler de bonne
manière et ne pas craquer au denier moment. Notre séparation
a été muette comme une évidence, sans un mot, un souffle de
regret, un cri d’abandon ou de colère. Non. Comme si nous
n’avions jamais existé, les années éprises dans le tourbillon de
l’incompréhension. Nous étions des automates du quotidien.
Des meubles sans importance, de la vaisselle un peu ébréchée,
des vêtements, du tweed au tergal, usés. Nous étions tout cela
à fois, élimés et réduits à des nuits d’ennuis. Deux
colocataires.