Page 23 - OPEX MAGAZINE N°1
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Lieutenant à Kolwezi
Lieutenant à Kolwezi
opération Bonite − mai-juin 1978
opération Bonite - mai-juin 1978
Lorsque que l’on m’a demandé de témoigner sur ce que fut l’histoire du lieutenant que j’étais à Kolwezi, il m’a
semblé qu’il ne s’agissait pas tant de raconter l’histoire de ma section mais celle de ce citoyen français accroché
aux suspentes d’un parachute américain au-dessus de « cette putain de terre africaine ». C’était le 19 mai 1978.
Ce propos n’a pas pour but de raconter l’opération de Kolwezi, ni de m’incliner devant nos morts et nos blessés
que nous n’oublions pas bien évidemment, ni de citer trop de noms ou des faits d’armes (il y en eut beaucoup),
mais de vous retracer, sans les classer ni les hiérarchiser, quelques éléments d’ambiance : faits, réflexions, états
d’âme, parfois sans intérêt, mais qui font l’histoire intime d’un lieutenant qui a eu la chance d’aller au combat.
Ce citoyen a eu son bac en 1968 au lycée Michelet,
dans l’effervescence d’un Paris encore sous le
coup d’un mois de mai pas tout à fait comme
les autres. Bac au rabais certes, mais comme je Lieutenant à Kolwezi
l’appris plus tard : « Seule la victoire est belle ! ».
Et puis cela l’arrangeait bien… Une année de droit
ennuyeuse ponctuée d’une préparation militaire
para à Vincennes et de quelques bagarres contre
maoïstes, trotskystes, et autres « chevelus » le
conduisit à se diriger vers une carrière militaire. Ce
citoyen, c’était moi !
Embarquement à bord du C-130
En fait je n’avais pas de chromosomes kaki, mais le
spectacle exaspérant des rengaines soixante-huitardes dans les facultés parisiennes me fit comprendre qu’il y avait mieux
à faire pour la société. C’est dans cet état d’esprit que je prépare Saint-Cyr à la corniche Leclerc du lycée Henri IV puis
au Prytanée militaire, qui à l’époque pouvaient être considérés comme des hauts lieux de la résistance patriotique. C’est
important de le rappeler !
J’intègre à Cyr en 1972. Officier ! Une grande fierté dont sera privé mon père, ancien de la 2 DB, qui vient de mourir. Mais,
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là aussi, le contexte est particulier. Dans le milieu militaire, « on » nous rapporte, qu’à Paris, « on » dit qu’« on » se méfie
(vrai ou faux : peu nous importait) de ces élèves-officiers d’active millésimés « 68 », et pour certains catalogués comme
fils de militaires « égarés en Algérie » (sic) ; cela restera anecdotique. À l’extérieur, dans le « pékin », l’ambiance est encore
plombée. Même Paris-Match qu’on ne peut suspecter de desseins subversifs publie en couverture du magazine la photo de
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trois saint-cyriens, casoar sur la tête, avec comme titre : « Ceux qui veulent encore mourir pour la patrie » ; comme si cela
relevait de la psychiatrie !
C’est donc cet oiseau rare, très résistant aux quolibets, insultes,
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horions et crachats, qui est affecté au 2 régiment étranger de
parachutistes (REP) à Calvi en mai 1977. Un an après, « La Légion
saute sur Kolwezi ». Il est de ceux-là. Il commande la 1 section de
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la 3 compagnie commandée par le capitaine Gausserès .
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En cette année 1978, l’Afrique et le Proche-Orient sont en
effervescence, avec comme corollaires, pour nous les lieutenants
du REP, des mises sur pied répétées de détachements Guépard (1
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et 2 rangs) ; toutes avortées ! En Mauritanie ce sont les Jaguar de
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l’armée de l’Air qui font le boulot, au Liban ce sont nos camarades du
Le lieutenant et son commandant de compagnie 3 RPIMa, au Tchad encore les marsouins renforcés il est vrai d’un
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(Bourgain et Gausserès)
détachement d’assistance opérationnelle (DAO) du REP .
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1/ Promotion Général Linarès (1972-1974). 5/ Entre 1970 et 1978 le REP a été mis 17 fois en alerte dont une s’était terminée sur
2/ Paris Match du 23 juin 1973. le terrain d’Istres.
3/ Titre du livre de Pierre Sergent sur l’opération,. Presse de la Cité, 1978. 6/ DAO : les « 22 » de Tacaud/4 commandés par le lieutenant-colonel Lhopitallier
4/ Le capitaine Gausserès sera chef de corps du REP (1990-1992). commandant en second du REP.
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