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                     Le cinéma a fait son apparition en Afrique occidentale française dans
             les années 1900, mais en raison de la législation mise en place par les autorités
             françaises, les africains de la région étaient interdits de cinéma. Néanmoins,
             un petit nombre d'œuvres ont été réalisées par des pionniers tels que le Guinéen
             Mamadi Touré (Mouramani, 1953) et Paulin Vieyra (C'était il y a quatre ans
             / It was four years ago, 1954, et Afrique sur Seine / Africa on the Seine [1957,
             France]).

                     Sembène s'est rendu à Moscou pour apprendre le cinéma en 1962. Son
             court métrage de 1963, Borom Sarret, bien qu'il ne soit pas le premier film à
             émerger de la région, est considéré comme une des premières œuvres cruciales
             du cinéma africain. Il a été primé au Festival du Film de Tours, en France. En
             1966, son long métrage La noire de…  Black Girl (Sénégal) a remporté le pres-
             tigieux Prix Jean Vigo et le Prix du meilleur film au premier Festival des Arts
             Nègres (1966). Il s'agit du premier film d'Afrique subsaharienne largement dif-
             fusé en Afrique et hors d'Afrique. Grâce au succès du film dans les festivals
             internationaux, Sembène entame une carrière qui le place en compagnie d'ar-
             tistes du cinéma mondial, dont Michelangelo Antonioni, Federico Fellini,
             Alain Resnais et Ingmar Bergman.

                     Au milieu des années soixante, Sembène avait créé sa propre société
             de production, Filmi Domirew, travaillant indépendamment du système euro-
             péen qui, jusqu'à aujourd'hui, continue de dicter les pratiques cinématogra-
             phiques en  Afrique.  Réalisées avec  des ressources  limitées, dans des
             circonstances impossibles, les œuvres de Sembène ont été primées dans des
             festivals en Afrique, en Europe, en Asie et en Amérique. Ses films ont trans-
             formé l'Afrique d'un continent de consommateurs de médias en un continent
             capable d'en produire. Tout au long des quarante années suivantes, Sembène
             est resté très conscient de ses rôles mêlés d'artiste et de révolutionnaire, tra-
             vaillant sans relâche pour créer des œuvres puissantes imprégnées d'un sens
             profond de la responsabilité sociale.
                     Au moment de sa mort en 2007, Sembène avait produit et réalisé neuf
             longs métrages et écrit dix livres, traduits dans de nombreuses langues. Cer-
             tains, dont son chef-d'œuvre de 1960, Les bouts de bois de Dieu, ont été ensei-
             gnés dans toute  l'Afrique  et dans le  monde  entier. Aujourd'hui,  l'héritage
             littéraire et cinématographique de Sembène lui vaut le titre de père du cinéma
             africain. Il convient également de mentionner que Sembène a été parmi les
             premiers cinéastes à indigéniser le cinéma. Le langage cinématographique in-
             novant de Sembène dans Borom Sarret (1963) et Mandabi (1968) a servi de
             base aux recommandations de la FEPACI et a informé la pratique du cinéma
             en Afrique et dans le monde. Il a inspiré d'autres groupes marginalisés, dont
             les membres ont commencé à prendre la caméra et à raconter leurs propres his-
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