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             Comme le note Tahar Cheriaa, en 1985 et 1987, « le FESPACO est devenu
             l'événement politique et culturel le plus important, non seulement au Burkina,
             mais dans toute l'Afrique subsaharienne et dans la diaspora noire du monde
             entier  ».
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              Au fil des années, l'influence de Sembène sur le FESPACO est devenue si im-
               portante qu'il est devenu un héros populaire à Ouagadougou. Les menus des
              restaurants portent son nom, un taxi vert s'appelle « Docker noir » en référence
               à son premier roman. « L'homme à la pipe » était au centre des foules qui se
              rassemblaient autour de lui dans l'espoir de partager un mot avec lui. Le soir,
              parfois jusqu'à l'aube, la piscine de l'Hôtel Indépendance (surnommée le Bao-
              bab) devient le lieu de palabres animées par le « plus vieux des anciens »,
              comme l'appelle affectueusement Sembène. En 1995, à l'occasion du centenaire
              du cinéma, Sembène écrit « Veillée pour un centenaire », un poème hommage
              dédié à Tahar Cheriaa et à tous ces « guerriers des débuts du FESPACO  ».
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                   La place unique réservée à Sembène au FESPACO était également vi-
              sible à chaque édition, lorsqu'il présidait un « rituel » de libation sur la « Place
              des Cinéastes » à l'ouverture du festival, pour rendre hommage à tous les
             « Guerriers Lumière » décédés l'année précédente, autre symbole de la figure
             imposante de Sembène au FESPACO.
                     C'est donc sans surprise que Baba Hama, directeur général du FES-
             PACO de 1996 à 2008, a été l'un des premiers dignitaires étrangers à se rendre
             à Dakar pour assister aux funérailles de Sembène, en compagnie du cinéaste
             burkinabé Gaston Kaboré, disciple de Sembène et figure emblématique de la
             deuxième génération de cinéastes africains. Devant la foule réunie le 11 juin
             2007 à la morgue de l'Hôpital Principal, à Dakar, Baba Hama a déclaré, en
             faisant l'éloge de Sembène : « Vous êtes parti, mais vous serez toujours avec
             nous. Tu as largement contribué à l'essor du FESPACO, tu as été de tous les
             combats, repose en paix  » Cheikh O. Cissoko, alors ministre de la culture
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             du Mali, également présent, a fait écho à Baba Hama : « Sembène était de
             tous les combats (du cinéma africain), comme celui qui a lancé le Festival du
             film de Ouagadougou, le FESPACO, et c'est vous qui avez donné à ce festival
             sa dimension internationale  ».
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                     Comme le disait l'un de nos aînés africains : « Aujourd'hui, alors que
             le FESPACO célèbre son cinquantième anniversaire, nul ne peut évoquer le
             souvenir de ce rassemblement sans évoquer également la mémoire d'Ousmane
             Sembène. Pour rappeler l'empreinte indélébile de Sembène sur le FESPACO,
             événement né de la contestation de la souveraineté nationale et du panafrica-
             nisme, Ecobank,  la plus  grande  banque de la région, a institué un Prix
             Ousmane Sembène (2007) et a financé en 2009 l'installation d'une statue de
             bronze du cinéaste tenant un trophée du FESPACO à la Place des Cinéastes de
             Oua- gadougou.
                     La ville de Ouagadougou a donné le nom de Sembène à l'un de ses
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