Page 3 - Journal Le Nouveau Monde 2020
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nous souffrons aujourd’hui est avant tout lié à la supériorité que nous croyons avoir sur le
reste du vivant : n’est-il pas temps de mettre fin à une vision anthropocentrée du monde ?
Dans cet excellent article publié sur The Conversation France, les chercheurs Philippe
Grandcolas et Jean-Lou Justine rappellent en ce sens à quel point « le Covid-19, tout comme
d’autres épidémies majeures (sida, Ébola, SRAS, etc.), n’est pas sans rapport avec la crise de
la biodiversité et du climat que nous connaissons. » Avec de multiples exemples à la clef, ils
prouvent à quel point notre façon d’exploiter les animaux nous met doublement en danger :
« création » de maladies émergentes et destruction d’une biodiversité fragile qui assume
des rôles dans les équilibres naturels dont nous bénéficions. »
Comme le rappelle aussi Gilles Bœuf dans Sud-Ouest, « Il faut arrêter de considérer la nature
comme notre réservoir, notre ressource, exploitable à l’infini. On détruit, on surpêche, on
déforeste, on pollue, on dissémine… » Pas étonnant après : « quand il y a beaucoup de
biodiversité́, tout s’équilibre. Quand elle s’effondre, la transmission des maladies
s’accélère. »
La démondialisation et le réel
De l’origine du virus à sa propagation et à la manière
dont nos approvisionnements peuvent être bousculés
par le confinement généralisé, il est donc temps
d’interroger, en premier lieu, nos habitudes
alimentaires, nos modes de production et la façon
dont nous nous sommes habitués à un accès facile
aux choses qui, pourtant, ne coulent pas de source.
A mes yeux aujourd’hui, la seule « guerre » à mener consiste à
nous faire violence. A l’échelle du temps, l’ère industrielle n’est
rien, mais elle a su nous enfermer dans une logique de
consommation et de capitalisme telle que nous ne nous sentons
vivants qu’en accumulant toujours plus de richesses et de biens,
et ce en étant toujours certain d’avoir bien plus et bien mieux que
son voisin.
L’économie numérique, avec les avancées inouïes qu’elle permet dans la circulation et le
partage des savoirs et connaissances, laisse aussi passer les logiques marchandes dans des
parcelles d’intimité et d’humanité que nous devrions
mieux préserver. L’économie du partage, que j’ai pu
défendre à ses débuts, a su monétiser un ensemble de
services que nous nous rendions spontanément,
généreusement, auparavant – au point qu’il est
préférable de parler d’économie de plateformes (du nom de ces géants du numériques qui
savent tout de nos usages et comportements).