Page 110 - RENA3
P. 110

Le  troisième  jour,  les  Turcs  attaquèrent  violemment  Bohémond  et  ses
               compagnons. Aussitôt les Turcs commencèrent à grincer des dents, à pousser

               des huées et des cris retentissants, répétant je ne sais quel mot diabolique dans
               leur langue. Le sage Bohémond, voyant ces innombrables Turcs poussant au
               loin des clameurs et criant d’une voix démoniaque, fit aussitôt descendre les

               chevaliers de leurs montures et dresser rapidement les tentes. Avant que les
               tentes  furent  dressées,  il  répéta  à  tous  les  chevaliers  :  «  Sires  et  vaillants
               chevaliers du Christ, voici que de tous côtés nous attend une bataille difficile.
               Que tous les chevaliers aillent donc droit devant eux avec courage et que les

               piétons dressent prudemment et rapidement les tentes. »
               Quand tous ceci fut accompli, les Turcs nous entouraient déjà de tous côtés,
               combattant,  lançant  des  javelots  et  tirant  des  flèches  à  une  distance

               merveilleuse. Et nous, bien qu’incapables de leur résister et de soutenir le poids
               d’un  si  grand  nombre  d’ennemis,  nous  nous  portâmes  cependant  à  leur
               rencontre d’un cœur unanime. Jusqu’à nos femmes qui, ce jour-là, nous furent

               d’un grand secours en apportant de l’eau à boire à nos combattants et peut-
               être aussi en ne cessant de les encourager au combat à la défense. Le sage
               Bohémond ne tarda pas à mander aux autres, c’est-à-dire au Comte de Saint-

               Gilles, au duc Godefroi, à Hugue le Mainsné, à l’évêque du Puy et à tous les
               autres chevaliers du Christ, de se hâter et de marcher rapidement au combat,
               leur faisant dire : « Si aujourd’hui ils veulent prendre part à la lutte, qu’ils
               viennent vaillamment. » Et le duc Godefroi, connu pour son audace et son

               courage,  puis  Hugue  le  Mainsné  arrivèrent  d’abord  ensemble  avec  leurs
               troupes, puis l’évêque du Puy les suivit bientôt avec sa troupe et, après lui, le
               Comte de Saint-Gilles avec une armée nombreuse.

               Les nôtres se demandaient avec étonnement d’où avait pu sortir une pareille
               multitude de Turcs, d’Arabes, de Sarrasins et autres, impossible à énumérer,
               car toutes les hauteurs et les collines et les vallées et toutes les plaines, à

               l’intérieur  et  à  l’extérieur,  étaient  entièrement  couvertes  de  cette  race
               excommuniée. Il y eut entre nous un entretien intime, dans lequel, après avoir
               loué Dieu et pris conseil, nous disions : « Soyez de toute manière unanimes

               dans la foi du Christ et dans la victoire de la sainte croix, car aujourd’hui, s’il              RENA - Les Compagnons Forgerons
               plaît à Dieu, vous deviendrez tous riches. »
               Sur-le-champ nos batailles furent ordonnées. À l’aile gauche étaient le sage
               Bohémond,  Robert  de  Normandie,  le  prudent  Tancrède,  Robert  d’Ansa  et

               Richard du Principat ; l’évêque du Puy dut s’avancer par une autre hauteur,


                                                                                                         - 106 -
   105   106   107   108   109   110   111   112   113   114   115