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Le troisième jour, les Turcs attaquèrent violemment Bohémond et ses
compagnons. Aussitôt les Turcs commencèrent à grincer des dents, à pousser
des huées et des cris retentissants, répétant je ne sais quel mot diabolique dans
leur langue. Le sage Bohémond, voyant ces innombrables Turcs poussant au
loin des clameurs et criant d’une voix démoniaque, fit aussitôt descendre les
chevaliers de leurs montures et dresser rapidement les tentes. Avant que les
tentes furent dressées, il répéta à tous les chevaliers : « Sires et vaillants
chevaliers du Christ, voici que de tous côtés nous attend une bataille difficile.
Que tous les chevaliers aillent donc droit devant eux avec courage et que les
piétons dressent prudemment et rapidement les tentes. »
Quand tous ceci fut accompli, les Turcs nous entouraient déjà de tous côtés,
combattant, lançant des javelots et tirant des flèches à une distance
merveilleuse. Et nous, bien qu’incapables de leur résister et de soutenir le poids
d’un si grand nombre d’ennemis, nous nous portâmes cependant à leur
rencontre d’un cœur unanime. Jusqu’à nos femmes qui, ce jour-là, nous furent
d’un grand secours en apportant de l’eau à boire à nos combattants et peut-
être aussi en ne cessant de les encourager au combat à la défense. Le sage
Bohémond ne tarda pas à mander aux autres, c’est-à-dire au Comte de Saint-
Gilles, au duc Godefroi, à Hugue le Mainsné, à l’évêque du Puy et à tous les
autres chevaliers du Christ, de se hâter et de marcher rapidement au combat,
leur faisant dire : « Si aujourd’hui ils veulent prendre part à la lutte, qu’ils
viennent vaillamment. » Et le duc Godefroi, connu pour son audace et son
courage, puis Hugue le Mainsné arrivèrent d’abord ensemble avec leurs
troupes, puis l’évêque du Puy les suivit bientôt avec sa troupe et, après lui, le
Comte de Saint-Gilles avec une armée nombreuse.
Les nôtres se demandaient avec étonnement d’où avait pu sortir une pareille
multitude de Turcs, d’Arabes, de Sarrasins et autres, impossible à énumérer,
car toutes les hauteurs et les collines et les vallées et toutes les plaines, à
l’intérieur et à l’extérieur, étaient entièrement couvertes de cette race
excommuniée. Il y eut entre nous un entretien intime, dans lequel, après avoir
loué Dieu et pris conseil, nous disions : « Soyez de toute manière unanimes
dans la foi du Christ et dans la victoire de la sainte croix, car aujourd’hui, s’il RENA - Les Compagnons Forgerons
plaît à Dieu, vous deviendrez tous riches. »
Sur-le-champ nos batailles furent ordonnées. À l’aile gauche étaient le sage
Bohémond, Robert de Normandie, le prudent Tancrède, Robert d’Ansa et
Richard du Principat ; l’évêque du Puy dut s’avancer par une autre hauteur,
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