Page 48 - LES FLEURS DE MA MEMOIRE ET SES JOURS INTRANQUILLES_Neat
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La Lainière de Roubaix était à son apogée à cette époque et nombreux
étaient les Espagnols qui avaient fui leur pays, sous le régime de Franco, pour
venir en France chercher un emploi. Ils se rendaient avant ou après leur travail
au bistrot chez nous, pour boire un verre et se détendre. Ce que je redoutais le
plus, c’était le matin, à peine éveillée, il fallait supporter ce supplice, de passer
par le bistrot et les affronter. J’avoue le fait d’être encore à moitié endormie et
devoir leur dire bonjour m’était insupportable puisqu’ils me volaient mon
intimité familiale. Le pire c’était qu’à chacun de mes levers en leur présence, il y
en avait toujours un qui s’amusait à me dire bonjour en ajoutant le qualificatif
de « féa » ! Même si je ne parlais pas leur langue, j’avais bien compris le sens de
ce mot, qui me mettait dans une humeur désagréable, et j’aurais préféré
l’entendre utiliser le qualificatif « guapa » ! Finalement je m’y habituais et je n’y
prêtais bientôt plus aucune attention.
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