Page 176 - La pratique spirituelle

trouve une attache particulière à mes yeux. Je ne me sens rete-
nue et attachée par rien, ou presque, et en même temps, puisque
tout ou presque m’apparaît intéressant et enrichissant, je
ne trouve pas l’impulsion pour commencer, fixer un point de
départ à cette nouvelle vie. Qu’est-ce qui me donne ce sentiment
de quelque chose de si vaste en moi ? Comment, et dois-je, au
milieu de cette immensité (qui est commune à chacun) trouver
le point d’ancrage, LA chose à réaliser ?
En vous, à chaque instant, il y a quelque chose d’im-
muable, de permanent, à partir duquel est vu et connu le
spectacle du monde. C’est cette immuabilité de l’être qui se
cherche, qui vous cherche. Tant que celle-ci n’est pas pleine-
ment réalisée, se maintient un sentiment de manque, aussi
pleine et satisfaisante que puisse être la vie dans le monde.
Ce manque disparaît dès lors que se révèle la plénitude
inhérente à votre essence. La vie dans le monde peut alors
se poursuivre, mais dans une perspective qui ne confond
plus le changeant et l’immuable. Les sentiments d’es-
pace, de vastitude et d’infinitude sont tous les reflets de la
conscience, qui brille de sa propre lumière, sans dépendre
d’aucune autre source qu’elle-même. Être conscience est
accomplissement.
Cet immuable et permanent à partir duquel est vu le spectacle
du monde est commun à chaque être vivant, naît et vient de la
même source. Le spectacle du monde est-il immuable lui aussi ?
Le monde est perception. Toute perception n’est que tran-
sitoire. Elle émerge dans la conscience dans l’instant, disparaît
l’instant suivant. Elle est impermanente par nature.
Quelle est cette chose immuable ? Vous ne dites pas, votre être est
immuable, mais quelque chose en vous. Quelle est cette chose ?
La plénitude ?
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L’immuable, c’est vous-même, dans votre nature propre,
dépouillée de tout ce qui la recouvre, à savoir le corps et le
mental. Il est le plein, connaisseur du vide. Il est la félicité,
connaisseur de ce que la félicité n’est pas.
Je ne ressens pas de manque. Peut-être devrais-je y être plus
attentive...
L’action réactive est issue de ce sentiment de manque, qui
est fui dans une agitation stérile. L’action pure est expression
du silence. Elle est libre de toute attente.
J’oscille entre l’envie vivifiante de casser l’immuabilité des cycles
de vie, de bousculer « l’ordre des choses », et je me retrouve nez-
à-nez avec mon impuissance à changer cela. Et, d’un autre côté,
il y a la difficulté à admettre que je dois lâcher prise sur le pour-
quoi du comment. Encore une dualité. C’est un exercice difficile
que de ne plus chercher le pourquoi du comment...
Le pourquoi et le comment concernent le mouvement des
phénomènes. Ils ne concernent pas votre être essentiel, qui est
en dehors du mouvement. Ils ne peuvent donc pas vous ame-
ner à ce que vous êtes déjà, mais seulement orienter le regard
vers ce que vous n’êtes pas.
Enfin vous dites « les sentiments d’espace, de vastitude, d’infi-
nitude sont tous le reflet de la conscience qui brille de sa propre
lumière ». Hormis le fait d’avoir encore besoin de vos lumières,
je me trouve plutôt en bonne voie !
S’interroger sur la nature de ce que nous sommes, et de ce
qui est véritablement désiré, est un pas certain vers la libéra-
tion de l’emprise du mental et de ses mirages.