Page 177 - La pratique spirituelle
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trouve une attache particulière à mes yeux. Je ne me sens rete-  L’immuable, c’est vous-même, dans votre nature propre,
 nue et attachée par rien, ou presque, et en même temps, puisque   dépouillée de tout ce qui la recouvre, à savoir le corps et le
 tout ou presque m’apparaît intéressant et enrichissant, je   mental. Il est le plein, connaisseur du vide. Il est la félicité,
 ne trouve pas l’impulsion pour commencer, fixer un point de   connaisseur de ce que la félicité n’est pas.
 départ à cette nouvelle vie. Qu’est-ce qui me donne ce sentiment
 de quelque chose de si vaste en moi ? Comment, et dois-je, au   Je ne ressens pas de manque. Peut-être devrais-je y être plus
 milieu de cette immensité (qui est commune à chacun) trouver   attentive...
 le point d’ancrage, LA chose à réaliser ?  L’action réactive est issue de ce sentiment de manque, qui
 En vous, à chaque instant, il y a quelque chose d’im-  est fui dans une agitation stérile. L’action pure est expression
 muable, de permanent, à partir duquel est vu et connu le   du silence. Elle est libre de toute attente.
 spectacle du monde. C’est cette immuabilité de l’être qui se
 cherche, qui vous cherche. Tant que celle-ci n’est pas pleine-  J’oscille entre l’envie vivifiante de casser l’immuabilité des cycles
 ment réalisée, se maintient un sentiment de manque, aussi   de vie, de bousculer « l’ordre des choses », et je me retrouve nez-
 pleine et satisfaisante que puisse être la vie dans le monde.   à-nez avec mon impuissance à changer cela. Et, d’un autre côté,
 Ce manque disparaît dès lors que se révèle la plénitude   il y a la difficulté à admettre que je dois lâcher prise sur le pour-
 inhérente à votre essence. La vie dans le monde peut alors   quoi du comment. Encore une dualité. C’est un exercice difficile
 se poursuivre, mais dans une perspective qui ne confond   que de ne plus chercher le pourquoi du comment...
 plus le changeant et l’immuable. Les sentiments d’es-  Le pourquoi et le comment concernent le mouvement des
 pace, de vastitude et d’infinitude sont tous les reflets de la   phénomènes. Ils ne concernent pas votre être essentiel, qui est
 conscience, qui brille de sa propre lumière, sans  dépendre   en dehors du mouvement. Ils ne peuvent donc pas vous ame-
 d’aucune autre source qu’elle-même. Être conscience est     ner à ce que vous êtes déjà, mais seulement orienter le regard
 accomplissement.  vers ce que vous n’êtes pas.

            Enfin vous dites « les sentiments d’espace, de vastitude, d’infi-
 Cet immuable et permanent à partir duquel est vu le spectacle
 du monde est commun à chaque être vivant, naît et vient de la   nitude sont tous le reflet de la conscience qui brille de sa propre
 même source. Le spectacle du monde est-il immuable lui aussi ?  lumière ». Hormis le fait d’avoir encore besoin de vos lumières,
 Le monde est perception. Toute perception n’est que tran-  je me trouve plutôt en bonne voie !
               S’interroger sur la nature de ce que nous sommes, et de ce
 sitoire. Elle émerge dans la conscience dans l’instant, disparaît   qui est véritablement désiré, est un pas certain vers la libéra-
 l’instant suivant. Elle est impermanente par nature.
            tion de l’emprise du mental et de ses mirages.
 Quelle est cette chose immuable ? Vous ne dites pas, votre être est
 immuable, mais quelque chose en vous. Quelle est cette chose ?
 La plénitude ?



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