Page 241 - La pratique spirituelle
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Vous êtes assoiffé dans le désert. Vous voyez au loin de Peut-on être connecté totalement sans aucun effort, aucune
l’eau qui ruisselle d’une source jaillissant des rochers. Vous intention, être là tout simplement en continu ?
vous y précipitez. Une fois sur place, vous réalisez qu’il ne Oui, bien sûr. Une fois que le vécu originel s’est dévoilé, et
s’agit que de reflets de lumière. Rien à boire. Vous retour- qu’il apparaît comme une évidence absolue, il n’est plus remis
nez d’où vous venez. Puis, à nouveau, un mirage similaire en cause par la distractibilité mentale.
apparaît. Vous y retournez. Nouvelle déception. Ces allers-et-
retours se feront tant que vous prenez le reflet pour la réalité. Il Cultiver la présence par la concentration ou pas ?
en est de même avec le monde des objets, qui donne l’impres- Concentration sur la non-concentration.
sion de contenir la joie et la paix du Soi. Ce n’est qu’après les
avoir saisis que leur caractère vide et inconsistant est réalisé. *
Mais tant qu’il y a croyance en la validité du perçu, les mou- * *
vements restent inévitables. Par épuisement, puis par compré- Lorsque le réflexe d’identification au corps est perçu, et qu’alors
hension, lorsqu’est établie la certitude que ce que vous cher- il se dissout dans l’attention présente à elle-même, un « mal-
chez ne réside pas dans l’objet, ces mouvements excentriques aise » corporel survient au dernier moment. Le « mal-aise »
finissent par s’éteindre, sans que vous puissiez accélérer ce pro- dans le corps induit un réflexe de ressaisissement comme pour
cessus de mort programmée. Une fois la certitude que vous « redresser » le corps d’une main de fer depuis l’intérieur.
ne pouvez trouver au loin ce que vous désirez vraiment, reste L’identification « je suis le corps » semble se remettre en bonne
encore le doute que vous puissiez être vous-même l’objet de marche. Résister à ce réflexe ne fait que le reconduire à plus tard
votre recherche. Comme si l’or du trésor avait du mal à croire et avec plus de fermeté. Ce réflexe est sous-tendu par la peur.
qu’il était lui-même le trésor désiré. C’est vers cette pleine inté- Qu’en dire ou que faire ?
gration de la nature indivise de votre être que pointe l’ensei- Lorsque, assise au sol, vous percevez que votre bassin et
gnement non duel. Tant que cette nature n’est pas pleinement votre colonne vertébrale sont avachis, un ressaisissement se fait.
intégrée et réalisée, il reste une propension à « aller voir ail- La verticalité est naturelle, l’avachissement ne l’est pas. Il est le
leurs si j’y suis », à aller voir ailleurs si le « Je » y est. signe d’un mouvement psychologique de souffrance et d’auto-
dépréciation, un refus du pouvoir de la conscience d’utiliser
Parfois, la connexion à ma nature propre est possible, mais par- le corps à son escient. Un corps fonctionnel est plus utile
tielle, car elle se voile à nouveau. Le plein se divise à nouveau. qu’un corps dysfonctionnel. Telle une cruche remplie d’eau
Alors je suis trompée par l’illusion... Il semblerait que cela se fraîche, le corps, en étant empli par la conscience, se redresse,
passe dès que je m’objective ? s’assainit et vibre à une fréquence plus élevée. Il nettoie ainsi
Oui, l’erreur vient de l’habitude à s’objectiver, et de trans- les tourments d’un psychisme agité, et s’épanouit dans une
former ainsi votre nature véritable non objective en un objet saine verticalité. Celle-ci ne reflète pas alors la fierté d’une
d’écoute. manifestation qui croit à son autonomie, mais celle du pou-
voir du suprême à l’utiliser pour sa propre gloire. La structure
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