Page 242 - La pratique spirituelle
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corporelle et mentale est, dans cette perspective, complète-                    L’écriture spontanée coule comme l’eau de la source. Elle
            ment soumise et abandonnée, et c’est dans cette soumission et                n’est pas chargée d’intention et de besoin. Elle répond simple-
            cet abandon qu’elle se redresse et trouve sa beauté. Il y a donc             ment à la demande.
            un mélange de parfait abandon, et d’une force et fermeté qui
            maintiennent en vie la structure, afin qu’elle accomplisse ce                Comment mettre de côté tout ce qui constitue notre personna-
            pour quoi elle est faite, comme un fruit à l’écorce dure, dont               lité avant l’endormissement, si cela ne se manifeste pas sur le
            l’intérieur est doux et tendre.                                              moment ? Comment effectuer cette offrande si, sur le moment,
               Au moment de l’endormissement, c’est toute la structure                   rien de tout cela ne semble présent ?
            mentale qui s’endort, ainsi que le sens du moi. Le corps peut                   L’offrande est un total abandon, une dissolution des luttes
            alors se reposer, n’étant plus soumis au diktat du moi. Dans                 et des saisies diverses, amoncelées depuis le début de la jour-
            l’état de veille, le sens du moi se réactive, en même temps que              née, et depuis le début des temps. Le vouloir s’éteint, ainsi que
            le mental dont il est issu. L’art d’être consiste à vivre l’état de          toutes les projections qui le nourrissent. Dans cette mort de
            veille avec la même qualité intérieure que dans le sommeil                   la projection, vous vous retrouvez dans une suprême nudité,
            sans rêve. L’intériorité est abandonnée, silencieuse, soumise,               celle qui se révèle dans l’absence de vous-même. C’est là le sens
            les sens actifs, éveillés, sans l’implication et l’identification qui        véritable de la mort, une mort de tout ce que vous n’êtes pas,
            créent et maintiennent la souffrance. Active au dehors, passive              un éveil à la réalité de ce que vous êtes.
            au dedans, votre structure tout entière devient alors disponible
            pour que puisse œuvrer, à son bon gré, l’intelligence.                       Si je comprends bien, il n’y a rien à faire, seulement assister
                                                                                         à l’endormissement qui, pour se produire, doit tout lâcher...
            L’abandon consiste à abandonner tout ce que nous ne sommes                   naturellement ?
            pas et ne rien attendre de ce que nous sommes.                                  Oui, tout comme lorsqu’il pleut, et que vous attendez tran-
               Celui qui abandonne est aussi objet d’abandon.                            quillement que la pluie s’arrête, sans courir après les gouttes
                                                                                         d’eau pour les arrêter. Dans le non-faire, il y a présence. Dans
            La justesse consiste à réaliser pleinement qu’il n’y a rien de plus          la présence, il y a paix. Dans la paix, il y a liberté.
            juste que d’aimer pleinement.
               L’amour est plénitude. Il ne se réfère pas à un quelqu’un. Il             Donc, observer l’endormissement, rester conscient de la dispa-
            rayonne de sa propre lumière.                                                rition du corps et du mental ?
                                                                                            Il y a quelque chose en vous qui contemple les transforma-
            La justesse n’est pas un art, c’est un don en tout être.                     tions de votre structure corporelle et mentale. Habitez simple-
               Dans le don total, il y a unité.                                          ment ce témoin silencieux.

                                                                                                                   *
            Le besoin d’écrire est l’expression de l’ego... car la conscience,
            elle, est sans besoin.                                                                                *  *



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