Page 250 - La pratique spirituelle
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Car absolument rien de ce qui est perçu n’est le Soi. fascination exercée par les projections, qui réfléchissent la
Uniquement des reflets de la lumière du Soi. lumière de l’être, et donnent l’impression de la contenir.
La fonction des objets est de nous ramener au sujet ultime, à Le mental peut-il découvrir ses propres limites, à force d’explo-
faire « ce pas en arrière » comme disait Jean Klein. Cela semble ration (par la pensée, la réflexion, par exemple), ou bien est-ce
si simple ! Comment actualiser cela ? une recherche sans fin à ce niveau-là ?
En se familiarisant avec l’accueil silencieux des percep- Le mental est utile pour comprendre la linéarité de l’en-
tions, puis, une fois cette perspective devenue naturelle, en chaînement des causes à effet. Il est impuissant à découvrir ce
permettant à l’attention de « glisser » du perçu vers ce qui per- dont il est l’objet, car le petit ne peut connaître le grand.
çoit, comme un pied qui s’emboîte dans une chaussure.
Est-ce nécessairement et uniquement la conscience globale qui
Est-ce le mental qui a bien appris sa leçon ou est-il éclairé par la perçoit les limites du mental ?
conscience d’arrière-plan ? Comment savoir ? Oui, uniquement. Le mental ne peut voir le mental.
Le mental est toujours objet. Il fait partie du perçu. Il ne
peut donc être ce qui perçoit. Comment désamorcer cette propension tenace du mental à
croire qu’il y a encore quelque chose quelque part qu’il n’a pas
La compréhension n’est-elle pas une saisie, une tentative d’en- encore découvert ?
fermer l’inconnu dans le connu ? Explorez le vécu présent, lorsque le mental est apaisé, silen-
Oui, si elle se maintient au niveau intellectuel. Non, si elle cieux. C’est ce vécu qui vous cherche. Et le mental ne peut
est nourrie par la claire vision de ce que vous n’êtes pas, et vous y mener.
l’aperception de ce que vous êtes. Lorsque la préhension de la
compréhension se tourne vers cela qui comprend, cela qui est Comment lâcher ce mental une bonne fois pour toutes, en étant
conscient de ce qui est compris, elle se dissout dans la compré- certain de sa totale incompétence à ce niveau-là ?
hension sans préhension de la pure vision de l’être. Lorsque vous écoutez un bavard qui raconte des men-
songes, vient un moment où son discours ne vous intéresse
Comment parvenir aux limites du mental, à un sincère « je ne plus. Il en est de même avec les projections passé-futur, qui ne
sais pas », un regard neuf, un lâcher-prise ? Car il a vraiment sont ni la réalité du passé, ni la réalité du futur.
tendance à s’emparer de tout.
Le « je ne sais pas » est un total abandon, une dissolution Est-ce utile à quoi que ce soit de comprendre la linéarité de l’en-
dans l’espace sans limite de la conscience. Cette dissolution chaînement des causes à effet ?
n’est pas le fruit d’une volonté. Elle se fait lorsque les attaches Cela permet de mettre un pansement sur la main brûlée
lâchent, tout comme le dirigeable qui décolle, lorsqu’il est par le feu, et de savoir que le feu brûle, pour une prochaine
libéré des entraves qui le retiennent. Les attaches sont ici la fois.
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