Page 252 - La pratique spirituelle
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Serait-ce cela la limite du mental, admettre une bonne fois pour             En ce qui me concerne, la pensée est continue, comme la circu-
            toute qu’il ne peut comprendre ce qui le comprend ?                          lation automobile. Elle est plus ou moins dense en fonction des
               Vient un moment où le mental réalise qu’il peut com-                      circonstances, mais quasi constante.
            prendre ce qui le suit, mais non ce qui le précède. Il abdique                  Ce n’est pas exact. La pensée est un phénomène intermit-
            alors de son pouvoir usurpé.                                                 tent. Prenez note de l’espace qui sépare deux pensées. Habitez
                                                                                         cet espace, tout comme l’espace qui sépare l’expir de l’inspir,
            L’impression que l’on peut tout comprendre avec le mental est                ou le silence qui sépare deux notes de musique.
            tenace. Cela le maintient en activité et ajourne une approche
            plus globale. Lorsque vous dites que le mental peut comprendre               Il m’est difficile de voir quand elle apparaît et quand elle disparaît.
            ce qui le suit et non ce qui le précède, s’agit-il de la mémoire ?              Avec une attention plus soutenue, ce mouvement apparaît
               La non-pensée précède la pensée. Lorsque la pensée se                     évident.
            tourne vers la non-pensée, elle disparaît.
                                                                                         Le contenu de la pensée semble issu de la mémoire. Il est comme
            Le mental ne peut aborder que le connu, et non l’inconnu, n’est-             un monologue continu qui a pour fonction de maintenir l’illu-
            ce pas ?                                                                     sion d’un moi qui pense.
               Oui, tout à fait. L’inconnu échappe à sa saisie.                             Oui, tout à fait.

            Lorsque j’essaie de voir vers quoi est tournée la pensée, il me              Tout comme dans les émotions négatives (souffrance, colère,
            semble qu’elle est tournée vers le passé, la mémoire, d’où elle              jalousie,...), où le moi préfère souffrir que disparaître, contrai-
            émerge et où elle retourne sans doute.                                       rement aux émotions positives (étonnement, ravissement, joie...)
               La pensée émerge de la non-pensée, et meurt en elle.                      qui annulent sa présence.
            Observez la naissance de la pensée. Observez sa mort.                           Les émotions dites positives sont, en effet, plus proches de

                                                                                         la nature de l’être, que ne le sont les émotions dites négatives,
            Comment la pensée peut-elle se tourner vers la non-pensée ?                  qui sont de pures réactions de refus.
               Tourner la pensée vers la non-pensée est une manière
            d’inviter le mental à se tourner vers ce qui le transcende, et à             Quant à la pensée elle-même, il me semble nettement que c’est
            s’éteindre en lui. Certaines traditions parlent d’orienter toutes            une sensation de compression, de tension, de vibration, au
            ses pensées vers le divin. C’est la même chose. Le divin ne                  niveau du cerveau.
            peut être saisi. Il est la conscience infinie. Lorsque la pensée                Si vous vous donnez à l’écoute des hémisphères cérébraux,
            s’oriente vers lui, elle s’éteint d’elle-même, comme une boule               l’un après l’autre, vous verrez qu’une sensation qui leur est
            de feu plongée dans les eaux d’un lac.
                                                                                         propre se déploie dans votre écoute, une vibration, et que
                                                                                         celle-ci finit par se résorber dans l’écoute, laissant la structure
                                                                                         cérébrale, détendue, apaisée, déposée.




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