Page 77 - La pratique spirituelle
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Je sais qu’il y a refus, mais cela continue. Face à cela, je suis   vous devez déjà les accueillir, mais les accueillir vraiment,
 impuissant.  c’est-à-dire à partir d’un regard silencieux, qui n’interprète,
 Acceptez votre impuissance.  ni n’analyse les choses. C’est cette qualité de vision qui vous
            libère de ce qui est vu. Toute interprétation est relative. Mais
 Les pensées et les sensations physiques me sortent de moi-même.   le relatif est connu à partir ce qui ne l’est pas. En vous met-
 Comment faire pour habiter totalement le « je suis » qui voit   tant ainsi à l’écoute de ce qui se présente à vous, d’instant en
 tout ça ?  instant, vous ne vous enfermez pas dans la croyance d’être
 Comment pourriez-vous ne pas l’habiter ?  malade. S’affirme en vous une stabilité dans la vision, dans
            l’aptitude à accueillir les choses telles qu’elles sont. C’est
 Est-ce parce que l’attention se fixe sur les objets perçus qu’il y a   cette stabilité qui se cherche, et non une stérilisation de la vie
 division ?  mentale et émotionnelle. Au fil de la négligence du perçu, le
 Oui, la réaction est le fruit de la projection et de   contenu des perceptions perd de son intérêt. Il n’est plus auto-
 l’identification.
            matiquement considéré comme une réalité, mais vu et intégré
            comme une projection. Et une projection ne peut être la réa-
 L’attention peut-elle se fondre en sa source au lieu de diviser ?
 Oui.       lité. La réalité ne se laisse pas projeter, tout comme la lumière
            du film ne se laisse pas enfermer dans l’image qui la prolonge.
 Pouvez-vous me parler de pratiques qui pourraient m’aider ?
 La négligence de l’objet.  Un traitement du type antidépresseur ou neuroleptique est-il
            parfois justifié, lorsque l’intensité de la souffrance est trop élevée ?
 Comment retourner le regard vers ce qui regarde ?  Dans certains cas, en effet, il n’y a pas d’autre possibilité
 Par le constat de la totale impossibilité de regarder ce qui   que d’utiliser des remèdes externes, qu’ils soient phytothéra-
 regarde.   piques, allopathiques ou autres. Mais il convient d’insister que
            la guérison n’est pas contenue dans le remède. Celui-ci n’est
 *          qu’un traitement palliatif transitoire, destiné à atténuer l’in-
 *  *       tensité des réactions. L’inconvénient est qu’à force d’atténuer
 Avant de se désidentifier du personnage moi, n’y a-t-il pas un   l’intensité des réactions, la réaction se poursuit, mais sur un
 travail de remise en ordre à effectuer avec ledit personnage,   mode étouffé, comme une infection qui est étouffée, mais non
 pour faire écho à une citation d’Arnaud Desjardins : « Une che-  décapitée. L’avantage est qu’il vous donne un répit. Utilisez
 nille malade ne devient pas un papillon » ? N’est-il pas néces-  donc ce répit comme un temps d’intériorisation, pour que la
 saire d’effectuer une ascèse particulière sur les émotions et les   compréhension mûrisse.
 pensées (hormis l’observation de celles-ci) ?
 L’ascèse sur les émotions et les pensées consiste à réaliser   Que pensez-vous que je pourrais faire pour réintégrer l’ici et
 que vous n’êtes ni les unes, ni les autres. Avant de le réaliser,   maintenant, et retrouver un état de conscience « normal » ?




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