Page 266 - Desastre Toxicomanie
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Le désastre des toxicomanies en France Guerre au tabac
Le bilan comptable est donc négatif : (13 + 5) – 47 = – 29 milliards
d’euros. Ainsi, pour équilibrer les comptes publics, sous le seul
angle du tabac, il faudrait doubler son prix actuel.
Bien que le tabac ne provoque pas de dépendance physique, son
pouvoir addictif est très fort. Alors qu’il n’affecte pas la volonté,
qu’il ne crée pas d’ébriété, qu’il ne produit pas de distorsion de
la personnalité, son consommateur éprouve d’énormes difficultés
pour s’en détacher ; souvent même elles sont insurmontables,
comme en atteste le faible pourcentage de sevrages définitivement
réussis. Ce constat souligne toute l’attention qui doit être portée
à la prévention. Quand on est incapables de guérir/sevrer, on doit
tout faire pour empêcher l’entrée dans cette consommation.
Il n’est pas lointain le temps où le fumeur se croyait seul au
monde, quand, sans vergogne, il infligeait à son entourage la
fumée qu’il exhalait. La démonstration des méfaits engendrés
par le tabagisme passif a fait prendre d’heureuses dispositions
sur l’interdiction de la consommation du tabac dans les lieux
publiques, dans les bureaux ayant plusieurs occupants, dans les
cafés et restaurants, dans les cars, les trains, les avions, les gares.
Ces interdictions sont assez bien respectées. Néanmoins, les non-
fumeurs se voient toujours infliger le spectacle incitatif du fumeur
qui s’affiche à l’extérieur. Cette vision peut être insupportable
pour celui qui lutte pour maintenir l’abstinence qu’il s’impose.
Paraphrasons Jacques Prévert : « Elle est terrible la volute de
fumée qui s’échappe de la bouche du fumeur, elle est terrible
cette volute quand elle enfume le regard de celui qui lutte pour
ne pas retomber dans le tabac ». Pour faire patienter ces fumeurs
repentis, soumis au spectacle à la tentation, indiquons leurs que
ces tentateurs vont bientôt disparaître. Leur fragilité respiratoire,
désormais exposée sur le trottoir, au vent et au froid humide de
l’automne puis de l’hiver, va abréger leur survie.
Il me revient une scène (c’était en 1976) qui m’avait interpellée.
Prenant un café dans un bar de Washington, j’avais pour voisins
deux consommateurs de café qui se côtoyaient ; le plus maigre des
deux fumait. Dans la glace qui nous reflétait, je vis mon voisin
(le plus athlétique des deux) se fourrer ostensiblement un index
dans une narine, puis le plonger, en le faisant tourner, dans la
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