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Deux affirmations apparemment contradictoires ?  Ou alors sommes-nous  là face
               à une étrange dichotomie ? Un paradoxe déjà souligné par Aragon qui disait :

               « écrire, c’est mentir vrai ».


               Mauriac semble poser le postulat d’un romancier toujours inspiré par la seule réalité
               et ce pour l’ensemble des éléments suivants : la trame de l’histoire qu’il va raconter,
               les décors qu’il va peindre, et bien sûr les personnages qu’il va animer. Dans cet

               article, c’est sur ce dernier point que nous allons nous focaliser : les personnages ;
               toutefois, il nous faudra constamment garder en tête la combinaison subtile de ces

               différents éléments qui, habilement assemblés, constitueront la structure du roman
               finalisé.


               Alors ? Le romancier écrit-il l’authentique, ne faisant que reproduire des personnes
               issues de la réalité ? Ou bien, est-il créateur tout puissant qui, tel le potier qui

               façonne la glaise, donne vie à une entité à partir de son imagination ? La réponse se
               trouve probablement entre les deux.





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               De la personne au personnage


               On se trouve ici face à ce même clivage qui existe déjà entre écriture d’information

               et écriture de création, entre l’écrivant et l’écrivain.


               Le romancier n’est pas un journaliste, scripteur d’informations, il ne retranscrit pas
               la réalité, ou alors partiellement,  il invente des histoires, et donc des personnages

               qui ne sauraient être (la plupart du temps) des copies exactes de personnes réelles.
               Il utilise donc un mélange subtil pour obtenir une sorte de « synthèse » issue de
               divers éléments du réel associés à d’autres purement imaginés. Le personnage de

               fiction est  ainsi créé à partir d’un assemblage finement dosé de la part du
               romancier qui ne crée donc pas à partir de rien, il est vrai, mais utilise des éléments
               (caractère, moralité, psychologie, physique) issus de sa mémoire, de son vécu

               présent ou passé, pour finaliser un être fictif, mais qui « sonne » vrai. Pour réussir
               cela, l’auteur introduit donc différents ingrédients qu’il extrait : de sa propre

               personne, d’autres personnes observées, voire même parfois de personnages
               inventés par d’autres  (Michel Tournier et son personnage de Vendredi dans
               Vendredi ou les Limbes du Pacifique, personnage « revisité »  tiré du roman de Daniel

               Defoe Robinson Crusoé).
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