Page 44 - Lux in Nocte 2_Neat
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Deux affirmations apparemment contradictoires ? Ou alors sommes-nous là face
à une étrange dichotomie ? Un paradoxe déjà souligné par Aragon qui disait :
« écrire, c’est mentir vrai ».
Mauriac semble poser le postulat d’un romancier toujours inspiré par la seule réalité
et ce pour l’ensemble des éléments suivants : la trame de l’histoire qu’il va raconter,
les décors qu’il va peindre, et bien sûr les personnages qu’il va animer. Dans cet
article, c’est sur ce dernier point que nous allons nous focaliser : les personnages ;
toutefois, il nous faudra constamment garder en tête la combinaison subtile de ces
différents éléments qui, habilement assemblés, constitueront la structure du roman
finalisé.
Alors ? Le romancier écrit-il l’authentique, ne faisant que reproduire des personnes
issues de la réalité ? Ou bien, est-il créateur tout puissant qui, tel le potier qui
façonne la glaise, donne vie à une entité à partir de son imagination ? La réponse se
trouve probablement entre les deux.
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De la personne au personnage
On se trouve ici face à ce même clivage qui existe déjà entre écriture d’information
et écriture de création, entre l’écrivant et l’écrivain.
Le romancier n’est pas un journaliste, scripteur d’informations, il ne retranscrit pas
la réalité, ou alors partiellement, il invente des histoires, et donc des personnages
qui ne sauraient être (la plupart du temps) des copies exactes de personnes réelles.
Il utilise donc un mélange subtil pour obtenir une sorte de « synthèse » issue de
divers éléments du réel associés à d’autres purement imaginés. Le personnage de
fiction est ainsi créé à partir d’un assemblage finement dosé de la part du
romancier qui ne crée donc pas à partir de rien, il est vrai, mais utilise des éléments
(caractère, moralité, psychologie, physique) issus de sa mémoire, de son vécu
présent ou passé, pour finaliser un être fictif, mais qui « sonne » vrai. Pour réussir
cela, l’auteur introduit donc différents ingrédients qu’il extrait : de sa propre
personne, d’autres personnes observées, voire même parfois de personnages
inventés par d’autres (Michel Tournier et son personnage de Vendredi dans
Vendredi ou les Limbes du Pacifique, personnage « revisité » tiré du roman de Daniel
Defoe Robinson Crusoé).