Page 26 - Lux in Nocte 3
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hiératique, notamment à cause des grands yeux en pâte de verre. De plus, la statue
               porte également des boucles d'oreilles probablement byzantines (Xè siècle), ce qui
               est plutôt rare à partir du VIIIè siècle en Occident (on ne veut pas mutiler le corps,
               l’œuvre  de  Dieu).  La  couronne,  est,  elle,  ornée  d’émaux  cloisonnés  sur  or  est
               datable  du Xe  siècle.  On  note  également  des  cabochons  et  de  petites  boules  de
               cristal, des intailles et des camées antiques (un volumineux intaille en cornaline de
               Caracalla par exemple) et selon Bernard d'Angers, les montants du trône auraient
               aussi été ornés de deux colombes d'or ... Tous ces biens précieux étaient conservés
               dans les trésors des églises depuis la fin de l'Antiquité. Il n'est pas jusqu'à la porte
               du reliquaire qui ne démontre des interventions plus ou moins épisodiques dans les
               motifs décoratifs de l'objet, devenu un perpétuel objet de fabrication, génération
               après génération. Elle témoigne aussi des attentes religieuses et esthétiques qui ont
               évolué  entre  le  haut  moyen-âge  et  le  moyen-âge  tardif.    A ce  titre  les  bras  sont
               même plus tardifs encore puisqu'ils datent du XVIè siècle.

                      D'un point de vue iconographique, trois éléments principaux sont à retenir.
               Tout d'abord, la représentation « en majesté » (majestas) est surtout répandue pour
               représenter  la  Mère  du  Christ,  la  Vierge  en  Majesté  (La  Maesta)  étant  un  motif
               iconographique très utilisé au Moyen-Age comme au début de l'époque moderne
               en Occident. On trouve un reliquaire méridional au sud du Massif Central qui se
               rapproche de cette esthétique, celui de saint Géraud d'Aurillac, bien que celui-ci ne
               soit pas lui littéralement assis sur un trône de majesté mais debout, ou encore le
               Saint Baudîmes à Saint-Nectaire (Xè siècle ~).  Le second aspect est la question de
               l'accumulation  des  bijoux  et  dons :  ce  sont  des  femmes,  paysannes,  femmes  de
               chevaliers, … qui viennent demander une guérison, remercier pour une grâce ou un
               miracle  et  laissent  à  la  sainte  après  une  longue  marche,  une  nuit  de  veille,  une
               apparition  de  la  joueuse  Foy  (les  Joca)  pendant  leur  sommeil...  une  alliance,  une

      25       bague,  des  boucles  d'oreilles...  qui  sont  fondues  ou  greffées  directement  sur  la
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               statue-reliquaire. Ces joca  et ces miracles sont recensés dans le Livre des Miracles de
               Bernard d'Angers , qui, intellectuel du nord, dans un premier temps sceptique et
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               étonné,  vient  se  rendre  compte  personnellement  à  trois  reprises  de  la  situation,
               effrayé de ce culte un peu rustre voire idolâtre, rendu à une statue rutilante d'or et
               de pierreries. Enfin, la question du martyre de la sainte, cette « athlète du Christ »
               comme le dit la Chanson de sainte Foy et comme l'aurait dit saint Paul, est soulignée
               par une mise en abyme assez subtile : le dos du trône est serti d'un cristal de roche
               gravé d'une scène de la Passion du Christ (la Crucifixion), ce qui permet de pousser
               le  pèlerin  à  voir  le  martyre  douloureux  de  Foy  comme  un  événement  Christo
               mimétique,  démarche  éminemment  pédagogique  pour  la  foi  mais  aussi  contre
               l'éventuelle idolâtrie.

                      Pour  mieux  comprendre,  enfin,  de  quoi  il  s'agit,  il  faut  peut-être  donner
               quelques précisions sur la sainte dont les reliques sont vénérées à travers cet objet.


               2  « jeux »
               3  Liber Miraculorum Sanctae Fidis écrit environ entre 1007-1029 pour les deux premiers livres
               attribués à Bernard d'Angers.
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