Page 27 - Lux in Nocte 3
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Sainte Foy plus précisément sainte Foy d'Agen, était une jeune martyre de treize
               ans, convertie au christianisme, qui fut suppliciée à Agen vers l'an 300 pendant les
               persécutions de Dacien. Petit à petit, selon un processus classique de l'Antiquité
               tardive et du très haut-Moyen-Age, face à la découverte de miracles, un culte se
               développe localement dans la région et ses reliques sont vénérées dans une abbaye,
               et farouchement gardées par ses moines. Cependant ce n'est que là que commence
               véritablement l'histoire de Foy la sainte. Entre 845 et 875, a lieu le « pieu larcin » ou
               la dite « translation furtive » des reliques, d'Agen à Conques par le moine espion
               Dadon, de Conques, venu un temps à Agen... Les miracles continuant à Conques
               comme jadis à Agen, les moines en déduisent que la translation des reliques a été
               un succès, approuvée par la sainte elle-même, connue dans les récits de ses miracles
               pour  ses  jeux  et  son  humour.  L'un  des  premiers  miracles  rapportés  est  celui  de
               Guibert « l'Illuminé » qui, après avoir été énucléé retrouve la vue par l'intercession
               de  sainte  Foy.  Ce  genre  de  miracle  attire  évidemment  une  foule  nombreuse  à
               Conques ce qui explique les nombreux objets laissés par les pèlerins de passage à
               l'intention de cette sainte qui guérissait les malades et les infirmes en tous genres
               (un  type  de  miracle  finalement  relativement  répandu  dans  la  littérature
               hagiographique) mais aussi libérait les prisonniers notamment les petits chevaliers
               du sud-ouest habitués à faire appel à elle dans les situations périlleuses.  Tout cela
               explique  toutes  les  modifications  sur  la  statue,  qui  rendent  difficiles  aujourd'hui
               l'appréhension  réelle  de  l’œuvre  carolingienne  primitive,  probablement  beaucoup
               plus  simplement  faite  de  simples  feuilles  d'or  plaquées  sur  la  structure.  Cela
               explique d'ailleurs aussi simultanément le besoin d'agrandir, moderniser et embellir
               la vieille abbatiale carolingienne quasi ruinée avant l'arrivée des reliques de la sainte,
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               afin de pouvoir accueillir les nombreux pèlerins  : de là date la sculpture de la très
               fameuse scène romane du Jugement Dernier, portée au tympan de la façade. D'ailleurs
               l'affluence est d'autant plus grande que l'abbaye bénédictine se place sur l'une des
               routes principales du pèlerinage de  Saint Jacques de Compostelle en plein essor au             26
               XIè-XIIè  siècle :  les  pèlerins  peuvent  s'arrêter  et  être  bien  reçus  et  soutenus
               pendant leurs tribulations, lorsqu'ils s'arrêtent dans des abbayes du Massif Central
               comme celles-là, et ensuite le bouche à oreille fait le reste, d'autant qu'à partir du
               XIIè  siècle  se  développe  aussi  un  nouveau  genre  littéraire,  celui  des  guides  du
               pèlerin (routes à suivre et à éviter, abbayes, lieux utiles et remarquables,
               anecdot se  diverses comme des récits de miracles...)
                      Après le XVIè siècle, et notamment les guerres de religions particulièrement
               destructrices dans le sud-ouest de la France (exemple des Calvinistes qui essayent
               de  brûler  l'abbatiale),  les  abbayes  comme  Conques  commencent  à  entrer  en
               sommeil jusqu'à la fin de l'époque moderne et aux destructions révolutionnaires.
               Cependant, contrairement à de nombreux trésors d'églises ou d'abbayes, celui de
               Conques est protégé par les habitants du village qui prennent chez eux, avec un

               4   Remplacer  l'abbatiale  primitive  par  un  nouvel  édifice  pour  pouvoir  contenir  la  foule  des
               pèlerins et leur permettre une circulation plus facile autour des nombreuses reliques, notamment
               celle de la sainte éponyme, surtout les jour de grande fête comme le 6 octobre (sainte Foy) est le
               travail probablement entrepris sous Odolric II (XIe siècle) mais terminé seulement sous Bégon
               III. Le caractère fonctionnel du plan permet de faire circuler la foule grâce au déambulatoire à
               chapelles rayonnantes propre aux églises et grandes basiliques de pèlerinage.
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