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          LA  MAIN  CACHEE  ·   La crise                                                            envahie,  l’Amérique, liée  par un  traité, aurait de  nombreuses
                                                                                                    raisons de défendre cette ville. Risquait alors de s’ensuivre une
              Au petit matin du 14 octobre 1962, l’avion-espion américain U-2
                                                                                                    guerre, probablement nucléaire.
              prit des photos de reconnaissance de Cuba, révélant la présence de
                                                                                                      Pendant que Kennedy et ses conseillers débattaient du
              sites nucléaires sur l’île. D’après les clichés, les missiles n’étaient pas
                                                                                                    problème, le monde était soigneusement tenu dans l’ignorance. Or,
              encore opérationnels, mais les Soviétiques mettaient tout en œuvre
              pour accélérer la mise en place de leur arsenal, tout en gardant
                                                                                                    opérationnels. Et si cette situation se produisait, l’opération
              secrètes leurs activités.                                                             chaque jour qui passait, les missiles risquaient de devenir
                                                                                                    militaire américaine deviendrait infiniment plus dangereuse.
                 Le  Président  Kennedy fut immédiatement informé  de la                              Kennedy opta finalement pour une mesure risquée consistant à
              situation. Une fois que les missiles seraient opérationnels, fut-il mis               imposer un blocus sur Cuba. Or historiquement parlant,
              en garde, les villes et les citoyens d’Amérique risquaient d’être                     l’instauration d’un blocus correspondait à un acte de guerre. C’est
              littéralement éradiqués. En effet, un seul missile nucléaire lancé de                 pourquoi il lui préféra le terme de « mise en quarantaine », laissant
              Cuba pouvait atteindre Washington D.C ou une autre métropole                          ainsi aux Soviétiques une chance de démanteler les missiles et de
              en cinq minutes, et tuer quatre-vingts millions de personnes ! Les                    quitter Cuba. Cette décision était dangereuse et incompréhensible
              États-Unis n’avaient jamais été confrontés auparavant à une telle                     pour certains militaires, car elle ôtait toute possibilité d’une
              menace. C’était la première fois qu’un Président américain devait                     attaque-surprise. En effet, dès que Kennedy prononcerait le terme
              faire face à une crise de cette ampleur. 9
                                                                                                    de « mise en quarantaine », les Soviétiques se mettraient en état
                 Kennedy décida de garder cette information secrète, afin de                        d’alerte maximale vis à vis d’une action militaire américaine.
              planifier une stratégie et éviter d’être pris de court par les                          Cependant, Kennedy ne pouvait garder éternellement le secret.
              événements. Ses conseillers militaires lui suggérèrent de lancer une                  Quelques jours après le début de la crise, les grands journaux du
              attaque-surprise massive sur Cuba et sur les sites de missiles                        pays eurent vent de la situation. Mais alors qu’ils étaient sur le
              soviétiques, suivie d’une invasion générale des forces américaines.                   point de publier le scoop, Kennedy les devança et s’adressa lui-
              Mais  une  invasion  présentait  le  risque  de  déclencher  une  guerre              même à la nation.
              générale contre les Soviétiques, conflit qui pouvait facilement
              basculer dans une catastrophe nucléaire. Qui plus est, les militaires
              de Kennedy ne pouvaient s’engager à détruire 100% des missiles.                       ·      La phase publique
              Et un seul missile nucléaire restant aux mains des Russes pouvait                                                                                   La crise des missiles de Cuba
              suffire à exterminer des millions d’Américains.
                                                                                                    Une fois la crise devenue publique, la tension monta. Aucun camp
                 De plus, même si aucun missile nucléaire n’était lancé de Cuba,                    ne voulait la guerre, mais chacun s’y sentait acculé. Le 24 octobre,
              Kennedy était persuadé que les Soviétiques répliqueraient en                          des navires marchands soviétiques (apportant peut-être des missiles
              envahissant Berlin Ouest. Or à l’époque, Berlin-Ouest était à                         supplémentaires) s’approchèrent de la ligne de blocus. Les navires
              l’URSS ce que Cuba était aux États-Unis. Si Berlin-Ouest était                        de guerre américains envoyés dans leur direction repérèrent






                                                                                                                                                                   267  274                                                                       #                                                                                    68254_efi


















                                                                                                                                                          risque de réplique et de toute menace de sa propre destruction.
                                                                                                                                                          de lancer une offensive nucléaire, afin de se débarrasser de tout
                                                                             Cuba
                                                                                                                                                          frappe. Dans ces conditions, tout État pouvait donc être tenté
                                                                                                                                                          conflit nucléaire, s’il pouvait être détruit lors d’une première
                                                                                                                                                          risquait même au contraire d’inciter à une agression et à un
                                                                                                                                                          un  arsenal  nucléaire  n’avait  aucun  pouvoir  dissuasif,  voire
                                                                                                                                                          probabilité de signer son propre arrêt de mort. À première vue,
                                                                          missiles de
                                                                                                                                                          armes nucléaires pour défendre son territoire, en dépit de  la
                                                                                                                                                          tentèrent de décortiquer la logique sous-tendant l’usage des
                                                                                                                                                          années  1950, quelques-uns des meilleurs cerveaux du  monde
                                                                                                                                                          fondamental : « La capacité de seconde frappe ». Au cours des
                                                                    La Crise des
                                                                                                                                                          •  La Guerre Froide vit l’apparition d’un concept
                                                                                                                    17
                                                                                                                                                          Nord risquait d’être entièrement éradiqué. »
                                                                                                                                                          d’un tel surarmement que « s’ils l’utilisaient, l’Hémisphère
                                                                                                                                                          détracteurs du nucléaire de l’époque, les Russes étaient pourvus
                                                                                                                                                          conventionnelles soviétiques. Pour reprendre les termes des
                                                                                                                                                          parfaitement conscients de la puissance des armes non
                                                                                                                                                          sur la supériorité de l’arsenal américain, tout en étant
                                                                                                                                                          analystes américains du renseignement n’avaient aucun doute
                                                                                                                                                          États-Unis disposaient d’environ 18 000 armes nucléaires. Les
                                                                                                                                                          Unis. Lorsqu’Eisenhower céda la présidence à Kennedy, les
                                                                                                                                                          disait à l’époque la communauté du renseignement des États-
                                                                                                                                                          modeste, il n’en était pas moins immense, à en croire ce qu’en
                                                                                                                                                          considérable. Quant à l’arsenal soviétique, bien que plus
                                                                                                                                                          •  En 1960, l’arsenal nucléaire des États-Unis était

                                                                                      9
                                                                                                                                                          terrestre ou sur un porte-avions.
                                                                                                                               16
                                                                                                                                                          sous l’aile de chasseurs-bombardiers positionnés sur une base
                                                                                                                                                          simples bombes à TNT, et pouvaient facilement être placées
                                                                                                                                                          puissantes,  mesurant  1 mètre de long, avaient la forme de
                                                                                                                                                          Au moment de la Crise des missiles, des bombes vingt fois plus
                                                                                                                                                          exploser, une équipe d’experts avait dû travailler plusieurs jours.
                                                                                                                                                          qu’elle soit chargée à bord d’un avion et programmée pour
                                                                                                                                                                     LA  MAIN  CACHEE
                                                                                                                                                          mesurait 3 mètres de long et pesait près de 5 tonnes. Pour
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