Page 18 - 266687ILJ_CERVEAU_cs6_pc.indd
P. 18
ENTREZ DANS LA NEUROERgONOMIE
elle doit relever de l’usage, c’est‑ à‑ dire de l’ergonomie : pas plus
de neurones, pas plus d’aires, pas de synapses plus rapides… mais
des connexions différentes.
1
En 2001, une équipe française a étudié le cerveau de Rüdiger
Gamm par tomographie à émission de positons (TEP), en le com‑
parant à des calculateurs normaux. La TEP met en relief les aires
cérébrales qui consomment plus de glucose durant une tâche don‑
née. En l’occurrence, il s’agissait du calcul mental. Ce que Pesenti
et al. ont découvert, c’est que si Gamm utilisait bien des aires com‑
munes à lui et aux calculateurs « normaux », il en utilisait aussi
d’autres. Il s’agissait d’aires, de son cortex ou de son cervelet, que
tout le monde possède, mais que la plupart des gens ne sollicitent
pas pour effectuer des calculs : on notait en effet chez Gamm une
activation entorhinale, hippocampique, et cérébelleuse.
Le cervelet est un excellent calculateur. Physiquement, il est
organisé comme un véritable data center : des rangées de neu‑
rones (les cellules de Purkinje), alignées comme dans un cristal,
qui prennent part à nos mouvements, à notre équilibre, à l’accé‑
lération de nos membres et à notre posture sans même que nous
ayons à y penser. Cet organe est doté d’une grande autonomie
de fonctionnement, qui est corrélée à sa position anatomique : il
se trouve en retrait du reste du cerveau, s’organise différemment
de lui, selon un fonctionnement qui évoque une carte graphique.
Si nous savions comment employer son autonomie de calcul, elle
serait un levier pour notre vie cérébrale. En bref, le cervelet est un
élément essentiel de la coordination de notre vie physique, mais
il peut l’être aussi de notre vie mentale, et c’est ce que semblent
démontrer les calculateurs prodiges.
Que font des gens comme Gamm et Klein ? Pensez à une grosse
bouteille d’eau en verre. Imaginez qu’elle représente un problème
e
mathématique (comme calculer la racine 73 d’un nombre à cinq
cents chiffres de tête). Elle a un certain poids. Ce poids représente
la « charge cognitive » du problème. Imaginez votre main ouverte.
Elle représente votre cerveau ou votre vie mentale. Pour résoudre
1. Pesenti, M., Zago, L., Crivello, F., Mellet, E., Samson, D., Duroux, B., Seron,
X., Mazoyer, B. et Tzourio‑ Mazoyer, N., « Mental calculation in a prodigy is sus‑
tained by right prefrontal and medial temporal areas », Nature Neuroscience (2001),
4, 103‑107.
17
266687ILJ_CERVEAU_cs6_pc.indd 17 02/09/2016 14:38:56