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LIBÉREZ VOTRE CERVEAU !
le problème et soulever la bouteille, vous et moi n’utiliserons que
notre petit doigt. Du coup, l’exercice sera fastidieux, voire impos‑
sible. Gamm et Klein, eux, utilisent toute leur main. Ils peuvent
soulever la bouteille plus facilement et plus longtemps.
Dans cette métaphore, notre petit doigt représente notre mémoire
de travail, ou encore le « calepin visuo‑ spatial », des modules limités
de notre vie mentale, mais que nous sollicitons tous les jours et
auxquels nous sommes habitués à recourir en premier pour résoudre
une épreuve mentale. Cette mémoire de travail, par exemple, sera
à coup sûr saturée en quinze secondes… Pouvez‑ vous répéter la
phrase que vous avez lue il y a quinze secondes ?
Si notre main représente notre vie mentale, les autres doigts de
la main peuvent désigner notre mémoire spatiale, notre mémoire
épisodique, notre mémoire procédurale (à laquelle prennent part
le cervelet et le cortex moteur). Ces modules sont beaucoup plus
puissants, ils peuvent soulever des poids cognitifs plus vite et avec
moins d’effort que le calepin visuo‑ spatial ou la mémoire de travail
(celle que nous utilisons, par exemple, pour retenir un numéro
de téléphone). Nous avons tous une mémoire épisodique, une
mémoire procédurale et une mémoire des lieux, peut‑ être aussi
développées que celles de Wim Klein ou Rüdiger Gamm, simple‑
ment nous ne les sollicitons pas pour faire des calculs mentaux.
Nous les utilisons pour savoir où nous avons grandi (mémoire
épisodique ou biographique ), comment faire un nœud de cravate
1
(mémoire procédurale), où nous avons garé notre voiture (mémoire
spatiale ou bien épisodique).
Ce qui fait de Klein et Gamm des prodiges, ce n’est donc pas une
quantité de cerveau supplémentaire mais une capacité à l’utiliser
1. Ces deux mémoires ne sont pas exactement les mêmes, comme l’ont en partie
démontré Pascale Piolino et al. Piolino, P., Desgranges, B., Benali, K. et Eustache,
F. « Episodic and semantic remote autobiographical memory in ageing », Memory
(2002), 10, 239‑257 ; Piolino, P., Desgranges, B., Belliard, S., Matuszewski, V., Lalevée,
C., de La Sayette, V. et Eustache, F., « Autobiographical memory and autonoetic
consciousness : Triple dissociation in neurodegenerative diseases », Brain (2003), 126,
2203‑2219 ; Piolino, P., Desgranges, B., Manning, L., North, P., Jokic, C. et Eustache,
F., « Autobiographical memory, the sense of recollection and executive functions after
severe traumatic brain injury », Cortex (2007), 43, 176‑195 ; Piolino, P., Desgranges,
B. et Eustache, F., « Episodic autobiographical memories over the course of time :
Cognitive, neuropsychological and neuroimaging findings », Neuropsychologia (2009),
47, 2314‑2329.
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