Page 3 - La Première Reine - Prologue
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argent.  Annabelle Clarke, devenue duchesse, était la nièce de
               John Moses Browning, célèbre fabricant d’armes à feu. Ce qui
               avait d’ailleurs scandalisé la haute société anglaise lors de son
               mariage  avec  le  duc  d’Egerton.  Tous  considéraient  qu’il
               s’agissait d’une mésalliance honteuse et indigne pour le duc.
               Mais, comme dans les contes de fées, le père d’Eleanor était
               tombé désespérément amoureux de la fougue et de l’esprit
               de  la  jeune  Américaine,  venue  chercher  un  bon  parti  à
               Londres.
                   La duchesse avait désiré ce qu’il y avait de mieux pour sa
               fille  unique.  Le  sens  des  affaires  courait  dans  les  veines
               d’Annabelle  aussi  naturellement  que  le  sang  et  elle  avait
               transmis ce don à sa fille qui l’avait fructifié au fil des années.
               Eleanor était donc bien consciente qu’elle avait énormément
               de  chance  et  qu’elle  devait  beaucoup  à  sa  mère.  C’est
               pourquoi  elle  pénétra  dans  la  pièce  sans  relever  son
               commentaire,  et  récupéra  son  assiette  qu’elle  remplit
               généreusement de tout un assortiment de victuailles avant de
               s’installer  à  table,  face  à  la  duchesse.  Celle-ci  jeta  un  coup
               d’œil sceptique à son assiette et haussa un sourcil.
               — Eleanor, tu vas devenir obèse à ce rythme-là.
               La jeune fille leva les yeux au ciel.
               — Maman, je n’ai rien mangé depuis hier midi, j’ai une faim
               de loup.
               La  duchesse  referma  le  journal  et  le  posa  sur  le  côté.  Elle
               agrippa  sa  tasse  de  café  des  deux  mains  et  souffla  sur  le
               breuvage chaud.
               — Ne donne-t-on plus de quoi manger aux jeunes gens dans
               les bals de nos jours ?
               Eleanor piqua vigoureusement dans sa saucisse et la coupa en
               tranches fines.
               —  Si bien sûr, mais nous étions trop excitées pour manger.
               — Pourquoi ? Ta tante Hedwige ne m’a rien dit de particulier.




               La Première Reine       J. James                       3
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