Page 92 - Le grimoire de Catherine
P. 92

MISE AUX POINTS


            Encore  une dent  en moins,  encore quelques cheveux  gris  à terre ! Je m’achemine
            doucement,  vers  ma  disparition  inéluctable.    J’ai  remarqué  que,    depuis    quelques
            temps,  les  étés  sont  plus  courts.  J’ai  oublié      l’odeur  rassurante    de  la  tarte  aux
            pommes  et le rire cristallin des enfants. Les   fleurs de mon  jardin sont depuis bien
            longtemps sous le béton !
            Ah,  si  je  pouvais      arrêter    le  temps,  si  je    pouvais  cesser  de  concasser  et  de
            reconcasser    des  idées  sombres.    C’est  décidé,  je  change  de  jeu,  et   quitte  mon
            échiquier quotidien.

            Pourquoi pas ? Chiche ! » T’es pas cap …» comme on disait à l’école ! Je n’ai jamais
            aimé les défis mijotés dans  la marmite de petits pervers et laissais  ces  derniers  à
            leurs  idées saugrenues. J’ai toujours préféré ouvrir ma cage  remplie de rêves avortés,
            de poussières encombrantes pour à nouveau regarder le  soleil en face. Maintenant, je
            suis prête, mon départ est imminent. Je m’étire et m’ébroue.

            Je quitte l’automne, je vais choisir mes jours et mes nuits. Je pars sans regret. A-t-on
            déjà imaginé un  explorateur regarder derrière lui ?

            C’est fait, je viens de sauter. Je me sens  maintenant toute  ragaillardie. Mes cheveux
            sont bleus, mes dents scintillent  tels des diamants dans le ciel. Je ne vous parlerai pas
            des arabesques que  dessinent   les feuilles de lierre sur tout mon corps. Je vous laisse
            imaginer !
            A  moi,  le  terrier      du  lapin  d’Alice !    Je  partage    le  thé    avec  le    Chapelier    fou.
            J’accompagne la Reine de  la nuit quand Mozart la libère d’un coup de plume.   Je peux
            aussi  entendre  les oiseaux s’échanger  les secrets  des dieux  anciens et je ne  vous
            parlerai pas de Neptune, surpris, siestant sur ma plage préférée.  Eh pourquoi pas ?

            Pourquoi pas ? Deux petits mots interrogatifs qui pourraient  faire dépasser les limites !
            Imaginons qu’en les entendant,   tout le  monde veuille être roi dans son royaume. Que
            de guerres fratricides seraient à redouter !  Chacun voudrait s’approprier les richesses
            de  l’autre.  Le  chaos  planétaire  serait  alors  à  craindre.  Certains    deviendraient  des
            héros, d’autres des  criminels.

            Cette  question  d’apparence    anodine  repousse    les  limites  de  l’impossible.  Risque
            d’ouverture de la boite de PANDORE ! L’humanité pourrait être  mise  en danger !
            Pourquoi  pas ?  Nous  passons  notre  vie  à  nous    interroger.  Stop !  Chaque    question
            appelle  une  réponse.  Celle-ci  ne  peut-être  que  vanité,  rien  n’étant  stable.    La  vérité
            qu’elle  colporte aujourd’hui  ne sera plus la même, demain.

            Je pense  donc qu’il serait  plus sage de  ne plus perdre  de temps  et de supprimer ce
            point d’interrogation.
            Pourquoi pas ! Le devenir du point d’exclamation n’a pas de meilleur avenir. Bien que
            d’allure avenante, il faut s’en méfier, suivez-moi !

            Souvenez-vous je connais maintenant  les habitants de l’univers souterrain de Monsieur
            Lewis Carroll. Ah ! Si vous aviez entendu les hurlements de la Reine face à ses pauvres


                                                           88
   87   88   89   90   91   92   93   94   95   96   97