Page 88 - Le grimoire de Catherine
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oubliées «. Puis,  comme    à  son  habitude,  il  se  leva  et  continua  ses  recherches  sur
            l’ordinateur. Bientôt,  il se mit à rire.

            - « C’est fou ce que l’on peut trouver  dans  les grimoires. Savez-vous, jolie dame, que  si
            vous  rencontrez, en sortant de votre  super marché,  une égaire, vous  devrez vous  garder
            de la cueillir. Vous risqueriez de ne pas retrouver votre maison, elle vous égarerait. Ce lieu
            regorge décidemment de trésors inexploités ! »

            Ce pauvre garçon avait  dû s’échapper  de la «  nef des fous ». Ecraser les frêles petites
            herbes qui se faufilent ça et là dans  les fissures du trottoir bitumé ne  devrait pas libérer de
            puissances maléfiques. Il ne fallait pas  le  craindre mais plutôt  le plaindre.
            Il était  tard, à  peine avait il  quitté la pièce,  qu’elle décida, elle aussi de partir.

            Egerre ?  Eguère ?  Heguere ?  Hé  Guaire ?  Qu’est-ce    encore    que  cette  affabulation ?
            D’ailleurs ça  ne doit pas  exister.  Je  n’ai jamais   rencontré ce  terme dans aucune grille
            de mes mots croisés. Je  ne sais s’il fume cette herbe mais il va  finir par  me perturber.
            C’est fait,  depuis que je  suis perdue  dans  mes  pensées, je viens de  dépasser  ma rue
            habituelle…  j’espère  que    personne    ne    m’a  vu !  Moi  qui  veux    être    connue  par  une
            personne  sensée.

            Vite  faisons  demi-tour !  Tiens,      je  vais  devoir  cirer    mes    chaussures,  je    n’avais  pas
            remarqué ce matin  qu’elles portaient  des taches  de végétaux.

            Demain, c’est décidé, je vais éclaircir  la situation. Ce  visiteur ne  passe pas seulement un
            moment   au chaud   en ma  présence, et avec  les ans, je ne suis plus particulièrement
            attractive.  S’il  ne  vient  pas    pour    moi,  c’est  qu’il  a  donc  un    autre  objectif.  A  moi  de  le
            découvrir.

            Restons  professionnelle, demain  je vais   mettre  une pancarte à la porte «la bibliothèque
            est  fermée ce jour pour  cause d’inventaire ».
            Notre  bibliothécaire était bien décidée  d’accéder au  secret  de l’étudiant. Il fallait  refaire
            le même cheminement  afin d’entrer dans  sa  logique.  Il avait commencé à  emprunter des
            ouvrages sur la période préhistorique.

            Cela  ne  l’enthousiasmait  pas.  Toutes  ces    théories,  qui  se  contredisaient    régulièrement
            ,après  chaque découverte d’un amoncellement  de cailloux et vieux  os  au  fond  d’une
            grotte ne l’avaient  jamais incité à   en savoir plus sur cette période perdue dans  la nuit des
            temps. Pourtant,  grimpée sur son escabeau ,elle  se mit  à  aérer chapitre  par chapitre, les
            feuilles  rédigées    avec  amour    par    des  chercheurs    fous    de  silex  et  de  mandibules
            fossilisées. Peine  perdue, elle n’y trouva qu’une   photo jaunie, oubliée par un lecteur sur
            laquelle  posait toute une famille   endimanchée, face  à un photographe caché  sous un
            drap noir.

            Elle avait  servi de  marque- page et  s’était perdue  avec le lecteur  dans  l’ennui  de ces
            textes abscons. N’ayant  réussi  qu’à déranger quelques araignées occupées à tisser des
            merveilles, elle soupira, et décida  d’abandonner ce monde des ténèbres pour poursuivre
            ses  recherches suivant  l’itinéraire qu’elle avait observé en catimini.

            Face  aux  somptueux  ouvrages  consacrés à l’Egypte, elle se sentit  plus à l’aise. Elle se
            souvint  des  moments    de  plaisirs  intenses  quand,  enfant,  elle  avait  découvert  toutes  les



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