Page 87 - Le grimoire de Catherine
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la mention « coup de cœur ». La  bibliothécaire se  demandait   si elle n’en faisait pas trop
            mais … elle était  si intriguée !

            Le jour suivant, la porte claqua comme à l’habitude, la tête  ébouriffée apparue, il  venait
            d’arriver. Il n’accorda  aucune attention à la nouvelle présentation  et  se  dirigea vers un
            autre rayonnage.

            L’employée, dépitée, pensa  que décidément  il ne devait pas avoir  que  des semelles de
            vent  mais  aussi  une  tête  de  girouette  pour  changer  si  vite  de  centre  d’intérêt.  Tout    en
            soupirant, elle  se  plongea à nouveau dans ses énigmatiques  mots croisés.
            Le jeune  homme avait  sorti de sa besace, crayons et  carnets et s’attaquait  maintenant
            aux    livres    consacrés    à  l’Egypte.  Il    disparaissait    sous    la    multitude  d’ouvrages,  il
            feuilletait , notait,  dessinait puis  il  brancha  l’ordinateur et se retrouva ainsi  à l’intérieur du
            temple d’Isis.

             Il visitait   toutes les parties, cherchant  quelque indice mais lequel ?  Enfin  il s’attarda  sur
            la décoration des chapiteaux. Elle  représentait  d’énormes vautours aux  ailes déployées. Il
            sembla    enfin    se  détendre.  Avait-  il  trouvé    ce  qui    le  préoccupait  tant.  Peut-être
            accepterait-il  de se confier, ainsi  satisferait–il  la curiosité de notre  bibliothécaire.

            La pose fut  de courte  durée, il  reprit une  autre  recherche  en   pianotant sur le clavier le
            mot   «pharmakos ». La définition recopiée, il rassembla  au  plus  vite ses effets, et après
            un   léger signe  d’au revoir,  partit,  en n’oubliant pas de malmener   la porte  bien entendu !

            La solution des mots  croisés ce jour-là, étant hors de  portée de notre observatrice, elle  se
            leva  et regarda le  dernier mot recherché par son visiteur. Pharmakos ? Décidemment  il ne
            s’intéresse  jamais    aux  mêmes  sujets  que  les  autres !  Qu’est-ce  encore      que  cette
            incongruité ? Allons y  voir de plus  près. Le pharmakos était, chez les Egyptiens, celui qui
            préparait les  poisons en  mélangeant des plantes médicinales.

            Est-ce que, par hasard, ce jeune homme, sous son  allure de poète, ne serait pas plutôt, un
            dangereux  individu, un sorcier, peut-être  même un  tueur ?
            Il est vrai que lorsque  l’on travaille  dans ce lieu, l’imagination  finit par   vous jouer des
            tours. On  ne fréquente pas  impunément, Agatha Christie, Tolkien et autres génies mais
            croiser    un    individu  amateur  de  recettes  diaboliques,  ça  ce  n’est    tout  de  même    pas
            fréquent ! Le  jour  suivant, elle  espéra qu’il ne  reviendrait pas, elle l’imaginait tout absorbé
            à  préparer son sombre dessein.
            Son poète s’était  transformé  en individu, porteur  d’une  grande cape  noire  à capuchon
            pointu, longeant  les murs lépreux  les nuits de  pleine lune !

            Mais, la porte  claqua, il était  là, à nouveau devant, fébrile, prêt à dévorer on  ne sait  quel
            nouveau livre d’archéologie.

            - « Auriez-vous  quelques ouvrages présentant  des  églises  romanes, oubliées maintenant
            mais susceptibles  d’être entourées   d’herbes  folles ? »
            Etait-elle  face    à  un  assassin  ou  plutôt    à  un  déséquilibré ?  L’heure    n’était  plus    à  la
            réflexion. Elle se leva et lui prépara tout ce qui  traitait des constructions moyenâgeuses. Un
            ouvrage    l’intéressa    immédiatement    portant  le      titre    évocateur  « les  églises




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