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PUNITION RÉTROACTIVE À DOUBLE PEINE
Il est tergal, je suis bigoudi et tous les jours il me fait son
pilou-pilou et je résiste à ses envoûtements de séducteur aux
charentaises violettes.
Il y a quatre-vingt-huit ans et moi soixante-dix-huit ans. Nous
sommes du même village et nos deux carcasses sont
suspendues aux derniers files de vie dans cette maison de
retraite des Dix Pinardiers.
J’ai été mariée toute pimpante d’amour à mon bourrelier,
j’étais sa bardot des champs sur quarante-neuf ans de mariage
et pas une ortie de discorde et puis il est parti un matin soleil
avec une jeune gourgandine, mon barbon…mon Marcel qui
fumait des gitanes maïs et qui a trépassé sans moi deux mois
plus tard…
Je ai lui offert un cercueil tout en pyrex pour qu’il ne brûle pas
d’enfer et j’ai dépensé toute ma petite fortune et même un peu
plus car, j’ai emprunté à ce saligaud de quatre-vingt-huit ans, il
y a onze ans déjà, en échange, et je l’avoue avec une certaine
honte mais courage… pour la bagatelle… J’avais onze ans de
moins et une fraîcheur délavée mais encore acceptable…
Mais aujourd’hui, j’ai décidé de l’empoisonner avec ce qu’il
aime… la chicorée… pas la salade…la racine torréfiée… si la
vengeance est un plat qui se mange froid, il va déguster un
cocktail dont il va se souvenir même jusque dans les limbes
des derniers cris des premiers hommes du premier jour de
l’ouverture de la Porte de l’Enfer…
J’ai de la ressource et internet… non, le web plus exactement,
est une caverne d’un billion de fois plus que celle d’Ali Baba.
Et j’ai trouvé le produit, la bonne dose et la compatibilité avec
la chicorée.
Ses charentaises vont s’exiler d’ici peu sur l’étale du vide-
grenier annuel de notre maison de retraite… et pour faire
bonne mesure, mes bigoudis aussi… car j’ai tout prévu… on se
retrouvera le quatre-vingt-huit ans et moi sur son sommier,
nous partirons au même moment… bourreau et victime… nous
étions faits pour nous entendre… en nos souffrances…