Page 7 - Fable Première (de la Fontaine)
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La  fortune  du  jeune  ménage  ne  tarda  pas  à  s'obérer.
               Plus tard, le père de La Fontaine laissa, de son côté, une
               succession embarrassée : des emprunts contractés pour
               acquitter ses dettes et conserver le bien intact, devinrent
               de  nouvelles  causes  d'embarras,  de  sorte  qu'on
               s'explique  facilement  que  notre  poète,  inhabile aux
               soins d'intérêt, incapable d'ailleurs de s'imposer aucune
               privation,  et  ne  trouvant  auprès  de  lui  ni  secours  ni
               direction,  ait  mangé,  comme  il  le  dit  gaiement,  son
               fonds avec son revenu, de manière à n'avoir plus, après
               quelques années, ni revenu ni fonds.


                      L'exercice de  la  charge  de  maître  des  eaux  et
               forêts  se  borna  vraisemblablement  pour  lui  à  de
               longues  promenades  sous  les  vieux  arbres  des bois
               soumis  à  sa  juridiction,  et  à  de  non  moins  longs
               sommeils sur les tapis de verdure au bord des ruisseaux
               murmurants. Nous avons bien le droit de le supposer,
               puisqu'il est avéré qu'à plus de soixante ans, il ignorait
               encore  ce  que  les  forestiers  entendent  par  bois  en
               grume, bois marmenteau et bois de touche.

                      Les  succès de  notre  poète,  parmi  cette  élite  de
               beaux  esprits  et de  femmes  distinguées qui  se
               pressaient autour de Fouquet, ne s'expliqueraient guère
               si l'on ajoutait une foi pleine et entière à cette légende
               de distractions bizarres et de surprenantes naïvetés qui
               nous est parvenue en se grossissant toujours.
                      La  disgrâce de  Fouquet  ramenait  La  Fontaine
               vers la  vie  de  famille,  moins  propre  que  jamais  à  se
               soumettre  aux  devoirs  qu'elle impose.  Un fils  lui  était
               né,  qui  aurait  dû  l'y  rattacher  ;  mais  les  enfants,  que
               notre  poète  a  tant amusés depuis,  étaient  ses  ennemis
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