Page 41 - Fleurs de pavé
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Claude Cotard – Fleurs de Pavé.
d'ennuis avec elle. Mais Nora est trop belle avec ses longs
cheveux ébène, son visage d'ange oriental, ses yeux noirs
comme la nuit, sa taille fine et sa poitrine haute pour ne
pas représenter une cible de choix pour les agresseurs
potentiels.
Sur la place Beauboug, au pied du Centre culturel
Georges Pompidou, je fais connaissance de celui qu'on
appellent " le prophète ". C'est un ancien qui a fait le
Soudan, comme photographe, dans des missions
humanitaires.
On l'appelle " le prophète " à cause de ses cheveux longs,
une grande barbe blanche, et parce qu'il se balade
toujours en djellaba avec un grand bâton, tel un prophète,
mais son vrai prénom est Roger.
Il ne parle plus ou si peu. Il me fait signe de le prendre en
photo. Là, il met sa main devant lui, telle une révérence.
Je fais semblant de déclencher, il me tape dans le dos.
En réalité Roger à vu tant d'horreur que, de retour en
Europe, il n'a pas su se réadapter.
Il a encore l'image de corps d'enfants, de femmes déchirés
par des bombes, par des mines, ou tout simplement
mourant de faim.
Aujourd'hui quand il entend les plaintes mesquines des
gens, c'est comme du sel versé sur ses blessures au cœur.
Dans la rue, les gens dorment par terre, sur des
bancs, les pieds dépassent, les mains aussi, certains
glissent et tombent, se relèvent, se rendorment.
Les têtes sont baissées, les pieds abîmés.
Un SDF dort les deux fers en l'air sur un banc.
Un autre tente de lui voler son portefeuille, me voit, retire
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