Page 9 - El Café Latino #29

Génération Z

Portrait d’une génération

silencieuse

par
mauricio álvarez lopera

On connaît la génération y, fortement orientée vers l’humain, pluridis- âgés de 14 à 20 ans, résidant à Paris, en
mais que sait-on de la z ? ciplinaire, non linéaire et ouverte. Le tout proche et lointaine banlieue, mais aussi en
en cinq étapes : comprendre, définir, créer Normandie, issus de catégories socio-pro-
’est en me posant cette question (photographier et écrire), prototyper, fessionnelles variées, avec 10% de jeunes
que j’ai entrepris de réaliser un expérimenter. extrêmes et 90% “dans la norme”. J’ai
Cportrait de ce groupe de personnes recruté ces derniers à travers mon réseau
nées après 1995. Je m’inspire avant tout des pratiques des de contacts, sur Internet, grâce aux
Pour cela, quoi de plus naturel que de ethnologues pour mieux comprendre un réseaux sociaux, mais aussi dans la rue, au
m’appuyer sur mes deux métiers : le groupe d’individus en fonction de son hasard des rencontres.
conseil en innovation et la photographie. comportement et de son interaction avec le
Depuis six ans, je m’attache à transmettre monde qui l’entoure. Ce fut l’étape la plus complexe, car la
à diverses organisations une méthodologie Dans le cadre de ce projet, j’ai choisi de notion de temps et très relative chez les
appelée le “design thinking”, une approche cibler des jeunes, filles et garçons à parité, membres de cette génération. Fixer un
rendez-vous relève de l’exploit. Ils ne
veulent pas s’engager sur le moyen terme,
Lucia se fermer les portes à d’autres activités.
Un rendez-vous fixé ne garantit jamais une
rencontre, car ils peuvent annuler à la
dernière minute ou simplement oublier...
Leur réponse préférée ? “ça m’intéresse.
Je reviens bientôt vers vous.” Une façon
polie de vous dire : ça ne se passera jamais.
Résultat, pour rencontrer 28 jeunes, il m’a
fallu en recruter environ 50.
Pour préparer mes entretiens, j’ai défini
une soixantaine de questions permettant
d’obtenir une vision assez large de la vie de
ces jeunes : amour, amitié, technologie,
environnement, éducation, politique,
religion, etc.

Pendant plus de cinq mois, j’ai mené 28
entretiens, d’une durée allant d’une à trois
heures, selon la qualité des échanges. La
grande majorité d’entre eux en face-à-
face, à l’exception de deux entretiens de
groupe, et de deux entretiens télépho-
niques. La plupart de ces échanges se sont
déroulés dans des lieux publics, même si
j’ai demandé à certains jeunes, en pré-
sence de leurs parents, de me laisser
visiter leur lieu de résidence.
A la fin de chaque rencontre, j’ai réalisé un
portrait de chaque jeune qui représente
idéalement son quotidien et son mode de
vie.
Une partie de l’analyse se fait sur la base
de l’observation. Le langage non verbal
© mauricio alvarez lopera beaucoup d’importance à ce que révèlent
apporte une dimension essentielle au
projet. En tant que photographe, j’accorde
les gestes, les objets, les tenues vestimen-
taires, l’environnement, etc.
A la suite des 25 premiers entretiens, j’ai

9 effectué un premier niveau d’analyse qui