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HISTOIRE
L’échec de Soliman le Magnifique lors du Grand siège de Malte, en 1565, apporte un
grand soulagement à l’Europe, tout en marquant l’abandon des ambitions de contrôle de la partie
Occidentale de la Méditerranée. Les efforts conjugués de plusieurs puissances européennes
pour reprendre ou conquérir l’Afrique du Nord aux Musulmans apportent uniquement des résul-
tats mitigés. De plus, les pirates barbaresques, alliés de l’Empire ottoman, sont une menace per-
manente pour les côtes espagnoles et italiennes. Cette efficacité de l’avancée ottomane et bar-
baresque est aidées par l’absence de cohésion entre les puissances chrétiennes et les multiples
fronts auxquelles elles sont soumissent à l’image de l’Empire maritime du Portugal de João III et
de l’Empire espagnol de Charles Quint qui, malgré leur alliance, leurs ennemis et leurs intérêts
communs, ne parviennent pas à combattre efficacement l’Empire ottoman de Soliman le Magnifi-
que à cause de la dispersion de leurs territoires et des fronts séparés. Le Portugal doit combattre
les Ottomans en Inde entre 1538 et 1559 par une série de batailles militaires entre l'Empire por-
tugais, le royaume d'Ormuz et l'Empire éthiopien d'une part et l'Empire ottoman et le sultanat
d'Adal d'autre part. Ces conflits eurent lieu dans l'océan Indien, dans le golfe Persique, dans la
mer Rouge et en Afrique de l'Est. Incapables de vaincre de façon décisive les Portugais ou de
menacer leur présence dans la région, les Ottomans se sont abstenus de toute autre action nota-
ble à leur encontre dans les années qui suivirent. Ils agirent plutôt indirectement en apportant un
soutien aux ennemis des Portugais, tels que le Sultanat d'Aceh. Les Portugais, de leur côté, ren-
forcèrent leurs liens commerciaux et diplomatiques avec la Perse safavide, ennemie de l'Empire
ottoman, chose également recherchée par Charles Quint. De même que les Portugais, les Espa-
gnols doivent faire face en Amérique à diverses attaques de pirates français et anglais, absor-
bant d’énormes quantités d’argent et de moyens dans la constitution d’armada pour la défense
des convois. De plus, la République de Venise et les Habsbourg, tout comme les Aviz, sont le
plus souvent en guerre ou des ennemis déclarés, sans compter le royaume de France de Fran-
çois Ier qui décide de former une alliance avec Soliman le Magnifique pour faire face au puissant
bloc ibérique formé par Charles Quint et João III. Pourtant, la chrétienté n’est pas sans défense.
Le 7 octobre 1571, dans le golfe de Patras, en Grèce, une formidable bataille navale oppose les
forces chrétiennes de la Sainte Ligue à celles de l’Empire ottoman. Bien que, dans l’immédiat,
l’issue de la bataille ne semblât rien changer à l’ordre politique, géopolitique et militaire chez les
principaux protagonistes, ses effets furent pourtant considérables sur la marche de l’histoire. Cet-
te transformation a lieu dans les rapports de forces méditerranéens se traduisant de manière ef-
fective par la mainmise des Européens sur l’espace précédemment dominé par les musulmans,
notamment par les Ottomans. Certes, tout ne fut pas décidé à Lépante, la propagande orches-
trée en Europe après la bataille contribua tout autant à asseoir sa renommée que les seuls faits
militaires ayant assuré la victoire de la Ligue. Comme d’autres, Fernand Braudel s’est interrogé
sur le caractère décisif de cette bataille, et, si l’on peut arguer que les Ottomans reconstruisent
rapidement leur flotte et qu’ils font eux-mêmes peu de cas de cette défaite qui est loin d’occuper
une place prépondérante dans leur mémoire collective, il est indéniable qu’elle décuple la
confiance des Européens et qu’elle efface d’un seul coup le sentiment d’infériorité qui les animait
depuis la perte de Jérusalem en 1187. Cependant, la bataille de Lépante fut précédée par un au-
tre duel tout aussi important, mais largement méconnu où deux grands marins s’affrontent d’un
côté le Grand Amiral de l’Empire ottoman Barberousse et de l’autre, l’amiral génois Andrea Do-
ria. Ce dernier est un amiral chrétien, le plus célèbre et expérimenté de son époque, pourtant il
était à la fois objet d’admiration et de crainte. Né dans l’une des familles les plus illustres de la
République de Gênes, il se constitue une réputation en combattant pour les Français dans les
années 1520, avant de changer de camp et se tourner en direction de Charles Quint.