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CONCLUSION UNE ÉPIDÉMIE LIÉE
À LA MONDIALISATION NÉOLIBÉRALE
La pandémie de Covid-19 est au point de départ un fait biologique. Le virus n’a que
faire de nos existences d’êtres humains. Sa seule activité consiste à se reproduire au
maximum en passant d’un organisme à un autre. Isolé, ce fait biologique n’est rien. Il
se déploie en relation avec une configuration particulière de la société humaine : le
capitalisme mondialisé néolibéral. C’est le cadre globalisé de l’économie et des échanges
qui rend possible la pandémie . Il lui donne ses vecteurs d’apparition, de propagation
puis de contamination d’autres secteurs que le domaine strictement sanitaire. Ce rapport
montre bien, par la diversité des thèmes abordés, des personnes et collectifs auditionnés
pour sa rédaction, que la pandémie est alors avant tout un fait social.
Dès son origine, le phénomène a à voir avec l’effondrement écologique et notamment
la destruction des habitats naturels des animaux sauvages . Mais nous nous sommes
concentrés ici sur la période qui va de l’identification d’un nouveau coronavirus, en
janvier 2020, jusqu’au confinement, à partir du 16 mars, puis déconfinement, à partir
du 11 mai, de la société française. C’est-à-dire sur la gestion de la crise sanitaire. À travers
l’examen de toutes les fautes commises pendant ces mois, on constate la répétition d’un
même schéma . Les principes d’actions centraux du néolibéralisme ont été toujours des
freins pour faire face à la pandémie et ses conséquences. La boîte à outils néolibérale
est si obsolète face au danger qu’elle en devient dangereuse pour la survie de notre espèce.
Ainsi, la ruine de l’hôpital public provoquée par l’importation dans son fonctionnement
de méthodes du secteur privé a considérablement affaibli nos défenses. Nous avons
assisté à la faillite complète du modèle de « l’hôpital entreprise », de sa tarification à
l’acte, de son pilotage uniquement avec des objectifs financiers. L’abandon de toute
planification industrielle est aussi bien pointé dans le rapport comme responsable de
nombreux fiasco dans la lutte contre l’épidémie de Covid-19. Depuis les années 1970,
la financiarisation des grands groupes a eu pour résultat l’allongement des chaînes
d’interdépendances par les délocalisations et la sous-traitance. Résultat : la France ne
dépend pas que d’elle-même pour des productions aussi stratégiques dans une telle
période que le sont les médicaments, les masques ou les respirateurs .
Le démantèlement de l’Etat social fait aussi partie des causes identifiées par le rapport
du désordre et de l’inefficacité du gouvernement. La mise en panne sèche d’amples
secteurs de la production et de la consommation a immédiatement transformé la crise
sanitaire en une récession économique historique. Les réformes successives d’affai-
blissement des protections des travailleurs, le sous-investissement dans les services
publics ont formé un terreau fécond pour le déploiement de l’épidémie. La carte de la
propagation du virus épouse celles des zones urbaines de relégation sociale . Puis ce
sont les conditions sociales du déconfinement : des travailleurs obligés de retourner
au travail sans protection suffisante. Ou bien des familles dont les conditions de
confinement deviennent insupportables à cause de la famine ou du surpeuplement.
Ecologique, économique, sociale, l’épidémie devient vite un fait politique dont l’enjeu
est la liberté elle-même. Ce rapport pointe les très graves reculs de l’État de droit
entérinés par « l’état d’urgence sanitaire ». Le coronavirus acte en tout cas la mue du
projet politique du néolibéralisme vers la surveillance généralisée des individus et le
durcissement des appareils répressifs. Cette tentative totalitaire sera le principal dan-
ger du « monde d’après » où il ne sera pas question de colloques tranquilles pour rendre
la société plus juste mais de chocs et de rapports de forces entre des visions et des
intérêts contradictoires.

