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Religions des oRigines


             religieuses, telles la science, l’évolution, la démocratie, toutes
             religions sans dieu, comme aux temps paléolithiques.
                Dans  ce  sens  classique,  la  religion  est  un  phénomène
             « récent » à l’échelle de l’histoire humaine : une dizaine de mil-
             lénaires tout au plus, et limité à certaines régions de la pla-
             nète : là où le néolithique fit son apparition. Ce processus s’en-
             clencha généralement à la suite des temps glaciaires, lorsque
             l’humanité tendit à se sédentariser et à contrôler son destin,
             en  quelque  sorte  à  l’encontre  de  la  nature.  La  « domestica-
             tion » des plantes et des animaux s’étendit progressivement.
             Elle impliqua une modification biologique radicale et irréver-
             sible des espèces sauvages. L’homme devint alors l’égal des
             forces naturelles, et il commença donc à leur donner sa propre
             image, et ceci bouleversa toutes les données mythologiques,
             artistiques et sociales. En ce sens, le néolithique ne se termina
             qu’avec  le  xix  siècle  de  notre  ère.  En  anthropologie  philoso-
                          e
             phique,  tous  ces  phénomènes  ne  reflètent  qu’un  seul  pro-
             cessus, celui de la prise en main de son destin par l’homme,
             contre la nature. Cette aventure téméraire se poursuit sous nos
             yeux, en prenant d’autres formes ; le phénomène religieux ne
             peut jamais disparaître tant que des sociétés humaines sub-
             sisteront. Et les « régimes forts » l’ont bien compris : contrôler
             cette nécessité vitale, qui aspire à posséder une justification
  65         éternelle, donne une force absolue aux dictatures et aux inté-
             grismes. À quoi bon répondre à des besoins éthiques si notre
             destin collectif impose d’autres lois, au-delà même de la valeur
             de notre propre existence ?
                Sur toute la planète, cette étape religieuse dans l’histoire
             universelle produisit des effets analogues : images de divinités
             « anthropomorphes » (à aspect humain), panthéons, défilés de
             fidèles et d’orants aux bras levés, rituels de sacrifices, spécia-
             lisation des fonctions religieuses. Le néolithique constitua une
             sorte de laboratoire de toutes les sociétés religieuses qui sur-
             giront explicitement durant l’Antiquité. L’une des constantes
             de ces manifestations symboliques tient au défi spectaculaire,
             perpétuellement  renouvelé,  entre  la  nature  et  l’homme.  La
             tauromachie  nous  apporte  un  témoignage  éloquent  de  cette
             prise en main de l’homme sur la nature redoutable : le destin
             de l’humanité s’y trouve transposé via le toréador qui y expose



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