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Religions des oRigines


             au surnaturel. Les mythologies des peuples chasseurs restent
             dominées  par  le  monde  naturel :  l’animalité  y  tient  la  place
             principale. L’animal, si proche de l’homme dans son comporte-
             ment, forme le véritable symbole du défi inaccessible, lancé par
             la partie biologique à sa propre conscience. D’innombrables
             récits mythiques s’articulent donc selon cet axe où le monde
             sauvage règne absolument.
                Le rôle des mythes et des rites, comme ferments de solida-
             rité sociale et messages entre générations, possède une telle
             évidence et une telle régularité en toute société humaine qu’il
             n’exige guère une démonstration pour les périodes préhisto-
             riques. Les rituels suggérés par ces images ne font rien de plus
             qu’enfoncer des portes ouvertes, et les débats animés sur ces
             thèmes  ne  font  que  refléter  les  controverses  entre  préhisto-
             riens, très actuels. Car aucune théorie religieuse des peuples
             chasseurs ne peut exclure l’initiation, le chamanisme, la magie
             ou l’envoûtement. Mais dans le même temps, aucune de ces
             pratiques  (ni  même  toutes  réunies)  ne  peut  rencontrer  l’en-
             semble des infinies variations présentées par les arts paléoli-
             thiques. Toutes sont à la fois hautement probables, mais consi-
             dérée isolément chacune reste insuffisante.
                Pas plus que dans l’art religieux d’aujourd’hui, une expli-
             cation simple ne peut rencontrer à la fois la symbolique d’une
   69        croix  gravée  sur  le  timon  d’une  charrue  et  la  métaphysique
             dissimulée au cœur des fresques somptueuses de la chapelle
             Sixtine. Ainsi, seul l’esprit religieux, considéré globalement et
             selon toutes ses facettes, peut être saisi par l’art paléolithique :
             il est fait d’une pensée élaborée, subtile et forte, susceptible
             de nourrir tous les appels métaphysiques de ses adeptes, dans
             toutes leurs variations régionales et fonctionnelles. Seuls leurs
             décryptages minutieux permettront d’y saisir des régularités
             significatives que, déjà, la plus superficielle des approches sus-
             cite au premier regard.

             Quand surgissent les dieux à visage humain
                Parmi de nombreux autres, le bouleversement radical qui
             affecta l’histoire de la pensée religieuse fut certainement le bas-
             culement idéologique aux origines de l’agriculture. L’homme
             donna d’abord sa propre image aux forces naturelles, pour en



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