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4. C’est sympa... au début
        À L’intérieur, c’est un peu mieux, la musique y est en-
        core plaisante, et les effets de lumières crées par les
        spots bon marchés qu’ont achetés les organisateurs
        créent une ambiance assez sympa. Cool, je vais enfin
        m’amuser ! Le plaisir sera de courte durée, les sons
        s’enchainent et se ressemblent tous, on ne voit rien,
        on est serrés comme des cons, il fait bien trop chaud
        car il n’y a aucune ventilation, et je suis à court d’al-
        cool. Je décide donc d’aller en acheter, car oui, dans
        un coin de la grande pièce se trouve une montagne
        de canettes de premier prix, qu’un des organisateurs
        veut bien me vendre 3fr l’unité. C’est cher pour des
        canettes achetées le matin même dans un super-
        marché, mais ça fera l’affaire. Tout heureux d’avoir
        des bières, je me faufile dans la foule afin de retrouver
        mes potes restés danser, et là, inévitablement, je ne
        les trouve plus. Merde. Je relativise : ce sera l’occa-
        sion pour moi de rencontrer des adeptes de ce milieu
        techno. Peut-être était-ce moi qui ne connaissais pas
        leur langage, mais ils étaient peu bavards.  La plupart
        étaient complétement défoncés, ils ne disaient pas un
        mot, ils étaient à fond dans la musique, que je com-         « On est où là ? Ya un clodo là-bas ptetre il sait où c’est. »
        mençais à trouver chiante à mourir. Étrange, chacun était dans une sorte de
        transe, ils composaient tous ensemble une vaste foule de jeunes, mais chacun
        était seul dans son trip, isolé, asocial comme jamais, un comble pour un jeune
        fêtard.
        5. Musique de défonce-man
        S’en est trop, je sors, je vais appeler mes potes ! Pas de réseau. Eh oui, ils sont
        encore perdus au milieu de la foule, sous des tonnes de béton, normal qu’ils ne
        puissent pas recevoir d’appels. Je décide donc de faire un tour dehors, peut-être
        qu’ici les gens seront plus sympa. Énième désillusion, cette fois ci ils parlent,
        mais je préférais quand ils gardaient le silence. La plupart sont des petits snobs,
        ils s’habillent d’une façon bien particulière, se comportent de manière hautaines
        car sont persuadés que plus on est sombre, mystérieux, et chiant, plus on pèse
        dans ce milieu. J’assiste donc à un défilé de long manteaux noirs, de crânes
        rasés, de baskets faussement vintages achetées 200 dollars sur EBay, et de
        sacoches Lacoste. C’est sans compter le nombre de gamines même pas ma-
        jeures se pavanant habillés mais tout de même à poil, allant de groupe en groupe
        discuter avec des types pour tenter de chopper des pilules gratuites, et ça ne
        m’étonnerais même pas qu’elles soient prête à manger du chibre pour un demi
        trait de coke. Tout ici me fait penser à Berlin, et d’ailleurs, tout le monde ne parle
        que de ça, de quand ils y sont allés, dans quelles boites ils ont réussi à rentrer,
        et de toutes les sortes de drogues qu’ils y ont pris, se prenant ainsi tous pour les
        plus gros connaisseurs de la culture techno, alors qu’il y a deux ans ils écoutaient   L’entrée du
        encore du Wiz Khalifa.  Au fait, la seule chose qui est Suisse la dedans, c’est le   parking, on y
        nombre de ruminants qu’on y trouve. En effet, l’ecstasy et autres dérivés des   a même trouvé
        Amphétamines récréatives ont cette fâcheuse tendance à vous faire «mailler»   un caca.
        comme le disent les habitués, soit avoir une crispation dans le mâchoire telle   C’est des
        qu’ils sont obligés de mâcher en permanence, d’une façon délicate et subtile   animaux ces
        donnant l’impression que ceux-ci essayent de se la décrocher en permanence.   jeunes !
        Une aubaine pour tout fabricant de chewing-gum.
        6. La techno c’est d’la merde !
        Le temps passe malgré tout assez vite, merci la bière, il est quatre heure du
        matin, et je décide donc de rentrer, tant pis pour mes potes, je ferais le chemin
        du retour seul. Plus de trams, plus de bus, plus rien, je passe donc plus d’une
        heure à marcher seul dans une ville morte. Puis, après m’être perdu deux fois,
        j’arrive à trouver la gare, et à monter par chance dans un train qui venait d’arriver.
        Soulagé, je me dis que tout est fini, que je rentre enfin à la maison, que cette ex-
        périence ne sera plus qu’un traumatisme, comme un cauchemar qui serait enfin
        fini. Au fait, je suis tellement soulagé à l’idée de rentrer chez moi que je m’endors
        comme un crétin sur mon siège crasseux, et me fait gentiment réveiller par un
        contrôleur, à hauteur de Sion. Je passe salement pour un con, avec une belle
        amende en prime Le pire, c’est que pendant ma douce nuit, on m’a tout volé,
        sauf mes clefs et mon appareil photo, je pourrais au moins aller chialer dans mon
        lit. Il est 5h30, je suis en plein Valais, il me faut donc maintenant rentrer tel un
        zombie, à me sentir stupide au milieu des gens qui m’entourent, car eux, ils sont
        debout tôt pour faire quelque chose de leur samedi, pendant que moi je dormirai
        paisiblement. J’arrive finalement à neuf heures du matin chez moi, détruit par ma
        soirée, démoralisé, et encore plus pauvre qu’un clochard. Je vous le promets, les   Croiser des gens qui partent en vacances alors qu’on rentre de soirée,
        soirées techno, c’est de la belle merde.                c’est douloureux.
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