Page 145 - ANGOISSE
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Pigastel, CHU -15 Juin – 11H47
Le Directeur venait d’apprendre l’horrible nouvelle de la mort accidentelle
de son assistante. Elle était à bien des égards bien plus que cette fonction dans
son esprit et à plus d’un titre il la considérait comme une amie tant sa présence
lui était à la fois précieuse et rassurante. Une personne avec une belle âme
avec laquelle il aimait souvent échanger sans qu’elle ne cherchât jamais à en
tirer un quelconque profit. La douleur causée par cette perte lui ravageait le
foie et en d’autres circonstances il serait rentré immédiatement chez lui mais
aujourd’hui il lui était impossible de s’accorder un tel moment de répit malgré
sa peine. Il se contenta de prendre dans le tiroir de son bureau les deux
derniers cachets qui lui restaient pour faire cesser ses épanchements biliaires.
Son diagnostic était toujours parfaitement sûr et précis vis-à-vis de ses
patients mais pour le moins parcellaire pour lui-même. Il avait pensé que deux
cachets allaient suffire à stopper ses douleurs physiques et ce fut
effectivement le cas mais il avait négligé le fait que sa souffrance était
également mentale. Rapidement, il éprouva la sensation d’étouffer, de
manquer d’air avec des apnées de plus en plus longues et rapprochées les unes
des autres, au point de se retrouver dans l’incapacité d’exprimer une pensée
cohérente. Durant un court instant de lucidité, il se décida, avant que
quelqu’un ne vienne à s’en rendre compte, à aller prendre l’air quelques
minutes à l’extérieur en espérant que cela lui permettrait de reprendre
possession de ses moyens. Il sortit à l’arrière du vaste bâtiment et dès qu’il
ouvrit la porte du sas il eut l’agréable sensation que ses poumons se
remplissaient de nouveau d’air. Il parcourut quelques pas prudents en prenant
garde de ne pas tomber. La fatigue, la tension, accumulées rendaient ses
jambes, qui n’avaient plus vingt ans, pour le moins flageolantes et il avait
conscience qu’à tout moment celles-ci pouvaient se dérober. Néanmoins, ne
souhaitant plus vraiment retourner au « combat » avant que la sensation
d’étouffement ressentie quelques instants auparavant ne disparaisse
totalement, il poursuivit son cheminement sur quelques dizaines de mètres.
Dès lors une odeur absolument pestilentielle s’incrusta dans ses narines au
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