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Pigastel, CHU -15 Juin – 11H47



           Le Directeur venait d’apprendre l’horrible nouvelle de la mort accidentelle
        de son assistante. Elle était à bien des égards bien plus que cette fonction dans
        son esprit et à plus d’un titre il la considérait comme une amie tant sa présence
        lui était à la fois précieuse et rassurante. Une personne avec une belle âme
        avec laquelle il aimait souvent échanger sans qu’elle ne cherchât jamais à en
        tirer un quelconque profit. La douleur causée par cette perte lui ravageait le
        foie et en d’autres circonstances il serait rentré immédiatement chez lui mais
        aujourd’hui il lui était impossible de s’accorder un tel moment de répit malgré
        sa  peine.  Il  se  contenta  de  prendre  dans  le  tiroir  de  son  bureau  les  deux
        derniers cachets qui lui restaient pour faire cesser ses épanchements biliaires.
           Son  diagnostic  était  toujours  parfaitement  sûr  et  précis  vis-à-vis  de  ses
        patients mais pour le moins parcellaire pour lui-même. Il avait pensé que deux
        cachets  allaient  suffire  à  stopper  ses  douleurs  physiques  et  ce  fut
        effectivement  le  cas  mais  il  avait  négligé  le  fait  que  sa  souffrance  était
        également  mentale.  Rapidement,  il  éprouva  la  sensation  d’étouffer,  de
        manquer d’air avec des apnées de plus en plus longues et rapprochées les unes
        des autres, au point de se retrouver dans l’incapacité d’exprimer une pensée
        cohérente.  Durant  un  court  instant  de  lucidité,  il  se  décida,  avant  que
        quelqu’un  ne  vienne  à  s’en  rendre  compte,  à  aller  prendre  l’air  quelques
        minutes  à  l’extérieur  en  espérant  que  cela  lui  permettrait  de  reprendre
        possession de ses moyens. Il sortit à l’arrière du vaste bâtiment et dès qu’il
        ouvrit  la  porte  du  sas  il  eut  l’agréable  sensation  que  ses  poumons  se
        remplissaient de nouveau d’air. Il parcourut quelques pas prudents en prenant
        garde  de  ne  pas  tomber.  La  fatigue,  la  tension,  accumulées  rendaient  ses
        jambes,  qui  n’avaient  plus  vingt  ans,  pour  le  moins  flageolantes  et  il  avait
        conscience qu’à tout moment celles-ci pouvaient se dérober. Néanmoins, ne
        souhaitant  plus  vraiment  retourner  au  « combat »  avant  que  la  sensation
        d’étouffement  ressentie  quelques  instants  auparavant  ne  disparaisse
        totalement, il poursuivit son cheminement sur quelques dizaines de mètres.
        Dès lors une odeur absolument pestilentielle s’incrusta dans ses narines au

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