Page 146 - ANGOISSE
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point qu’il dut se pincer le nez afin d’en limiter l’introduction. C’est alors qu’il
        découvrit,  à  l’angle  du  bâtiment  faisant  usage  de  local  technique,  deux
        infirmiers qui portaient un masque.
        - Oh là vous deux, qu’est-ce que vous faites ?
           Les deux infirmiers furent tout d’abord surpris d’être interpellés de cette
        manière avant de se rendre compte qu’il s’agissait du Directeur du CHU. Ils
        vinrent sans hésiter jusqu’à sa rencontre.
        - Bonjour Monsieur le Directeur, lâchèrent-ils d’un même ensemble.
        - Bonjour. Pourriez-vous me dire ce que vous faites ici ?
        - Ce qu’on nous a demandé d’effectuer, répondit le plus grand et aussi le plus
        âgé des deux.
        - C’est-à-dire ?
        - Nous occuper des cadavres aussi bien que nous soyons en capacité de le faire.
        C’est-à-dire en l’occurrence le moins mal possible car je peux vous garantir
        qu’il faut avoir le cœur sérieusement bien accroché pour réaliser cette tâche.
        - Expliquez-moi, je ne comprends pas.
        - L’explication est simple Monsieur. Nous avons comme vous le savez de plus
        en plus de cadavres à gérer. Cela fait belle lurette que nous n’avons plus de
        housses plastique pour les enfermer. Si on ajoute à cela le fait que sur les trois
        camions frigorifiques mis à notre disposition, l’un est en panne et les deux
        autres totalement remplis ainsi que le constat que les services des pompes
        funèbres ne viennent les chercher qu’au compte-gouttes depuis maintenant
        près de vingt-quatre heures vous savez presque tout. Ah si ! Ajouta-t-il avec
        une fatigue nerveuse évidente, il y a aussi ce maudit soleil qui n’a jamais brillé
        aussi fort avec cette putain de canicule qui accélère la putréfaction des corps
        à une vitesse spectaculaire.
           Il reprit aussitôt la parole avec un visage contrit.
        - Pardonnez-moi pour ma grossièreté. Je suis vraiment désolé.
        - Il n’y a aucun mal, je vous comprends. Mais pourquoi n’avez-vous pas cherché
        à me prévenir ?
        - Je peux vous parler franchement ?
        - Bien sûr.
        - Cela n’aurait servi à rien. Tout le personnel voit bien tous vos efforts depuis
        deux jours afin, si vous me permettez l’expression, de colmater les brèches sur

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