Page 147 - ANGOISSE
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tous les fronts. Cela n’aurait consisté qu’à vous rajouter un problème
supplémentaire à une liste qui doit déjà être bien longue. Sans vouloir vous
vexer, sans pour autant obtenir plus de résultats. Ce qui s’est abattu sur nous
depuis deux jours est peut-être pire que la peste. Tout est désorganisé. Aucun
service, même administratif ne fonctionne plus normalement. Au départ, nous
avons bien tenté de téléphoner un peu partout, pour avoir des housses
plastique, pour avoir de nouveaux camions frigorifiques, pour qu’on vienne
réparer celui qui est en panne, pour qu’on vienne installer une climatisation
en urgence dans le local technique où nous sommes obligés d’entreposer
désormais les cadavres et je vous en passe. Sans que rien ne bouge. Vous
comprenez, sans que rien ne bouge jamais ! Les seules préoccupations qu’on
nous rabâche à chaque fois qu’on téléphone c’est d’abord de sauver sa peau.
Savez-vous que même ceux qui seraient prêts à nous livrer de la marchandise
parce qu’elle est encore par miracle disponible ne veulent pas venir jusqu’à
l’hôpital de peur que l’affection causée par la ricine ne leur soit transmise ?
Tout ce qu’ils ont dans leur tête c’est le mot ANGOISSE et rien d’autre.
- Je vous remercie sincèrement pour ce que vous venez de me dire. J’ai
toutefois une dernière question à vous poser. Cela fait depuis combien de
temps que vous travaillez ?
- Près de quarante-huit heures Monsieur.
- Et personne n’a pensé à vous relever comme j’en ai donné la consigne afin de
vous permettre de vous reposer, ce dont vous auriez vraiment sérieusement
besoin ?
- Si, on nous l’a proposé mais avec mon collègue on a préféré refuser jusqu’à
présent. On arrive vaille que vaille à tenir plus ou moins le coup. Ce que l’on
redoute tous les deux c’est en fait de fermer les yeux et de se retrouver avec
la vision de tous ces cadavres en décomposition durant notre sommeil. D’autre
part si nous devons être remplacés je doute fort qu’il y ait beaucoup de
candidats à vouloir prendre notre place. C’est également pour cela que l’on
continue.
- Permettez-moi de vous dire que vous êtes vraiment deux types formidables
sauf que physiologiquement vous ne pourrez pas tenir encore bien longtemps,
aussi j’aimerais que vous me fassiez une promesse formelle. Celle de venir me
voir sans délai ou me faire prévenir si vous n’en avez plus la force afin que je
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